Les centrales européennes sont-elles fiables ?

Les Européens vont évaluer avant la fin de l’année 2011 la résistance de leurs 143 réacteurs nucléaires. Mais la fiabilité des tests est déjà mise en doute par les écologistes.

La catastrophe de Fukushima conduit les Européens à s’inquiéter de la sécurité de leurs centrales nucléaires. La France et l’Allemagne, qui rassemblent à elles seules plus de la moitié des 143 réacteurs en service dans l’Union européenne (58 en France, 17 en Allemagne), sont le théâtre de débats passionnés sur l’avenir de l’énergie nucléaire. La chancelière allemande vient de perdre les élections régionales du Bade-Wurtemberg pour avoir donné aux électeurs l’impression d’être dépassée par les événements au lendemain du drame japonais. Le président français doit faire face à l’opposition renforcée des Verts et à la détermination accrue du Parti socialiste, qui se dit désormais prêt, par la voix de sa première secrétaire, Martine Aubry, à envisager une sortie du nucléaire.

Les tergiversations d’Angela Merkel

Après avoir dénoncé la décision du gouvernement précédent de renoncer au nucléaire, Angela Merkel a fait volte-face en annonçant la fermeture des centrales les plus anciennes. Pour sa part, Nicolas Sarkozy s’est engagé à fermer les installations les moins sûres. Pour en avoir le coeur net, les Vingt-Sept ont décidé de soumettre l’ensemble du parc européen à des testes de résistance afin de « tirer tous les enseignements » des événements du Japon et de « fournir au public toutes les informations nécessaires ». Il s’agit, expliquent-ils, de vérifier la solidité des centrales en activité dans les 15 pays de l’Union européenne qui ont recours à l’énergie nucléaire. Cette vérification se fera « sur la base d’une évaluation globale et transparente des risques et de la sécurité ».

D’ores et déjà Paris a demandé à l’autorité française de sûreté nucléaire de tester les 58 réacteurs nationaux, répartis en 19 centrales, face aux menaces d’inondation, de séisme, de perte des alimentations électriques, de perte du refroidissement. Les autres Etats européens sont invités à procéder au même exercice. Les résultats devraient être rendus publics à la fin de l’année 2011. Les Vingt-Sept assurent faire de la sûreté des centrales une « priorité absolue ». Ils souhaitent que les pays voisins, notamment la Suisse, le Turquie ou l’Ukraine, suivent la même démarche. Ils appellent à la mise en oeuvre effective de la directive européenne de 2009 sur la sûreté des installations nucléaires et à l’adoption rapide d’une directive en préparation sur la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs. Ils se déclarent résolus à « appliquer les normes les plus élevées en matière de sûreté nucléaire ».

Le scepticisme des écologistes

Ces belles résolutions suscitent quelque scepticisme, en particulier chez les écologistes, qui ne croient guère à la valeur des tests promis. Tout dépend, en effet, des critères retenus et des autorités chargées de l’évaluation. La discussion est en cours sur ces sujets. Elle devrait se conclure en juin. Mais il semble acquis que les autorités nationales garderont la maîtrise des opérations. En prenant les devants, François Fillon a lui-même montré les limites de l’exercice. Même s’il demande qu’une « cohérence » soit assurée entre les tests entrepris en France et les travaux menés sur le plan européen, il donne clairement la priorité aux premiers sur les seconds.

L’eurodéputé Vert Pascal Canfin souligne que la promesse faite par Nicolas Sarkozy de fermer les centrales jugées peu sûres est « sans grande conséquence ». « L’autorité de sûreté nucléaire française, estime-t-il, sera peu encline à déclarer dangereux des réacteurs dont elle a autorisé l’exploitation jusqu’à présent sans y trouver à redire ». Sans attendre, le président de cette autorité, André-Claude Lacoste, a déclaré qu’il n’y a, selon lui, « aucune raison de fermer quelque centrale que ce soit en France ». « J’ai le sentiment, a-t-il ajouté, que nos centrales sont sûres ».

Méfiance de l’opinion publique

Ce sentiment ne suffit pas à rassurer un autre eurodéputé Vert, Yannick Jadot, qui met en doute l’indépendance réelle des institutions chargées de procéder aux tests. « On peut s’interroger sur la fiabilité et la cohérence de ces tests, dit-il, sachant que leur mise en route et les critères retenus vont l’être en accord avec la filière nucléaire, en laissant chaque autorité nucléaire de chaque pays faire des propres contrôles ». Il en faudra plus pour convaincre une opinion publique européenne qui demeure en majorité méfiante à l’égard du nucléaire. Le dernier Eurobaromètre publié en février 2007 par la Commission européenne établit en effet que, pour 53 % des personnes interrogées, les risques sont plus importants que les avantages. Seuls 33 % sont d’un avis contraire. Les personnes interrogées disent redouter les effets du terrorisme et la nocivité des déchets.