Les défis de la présidence suédoise

La Suède succède à la République tchèque à la présidence de l’UE. Pour réussir, il lui faudra faire preuve de leadership face aux crises qui secouent le monde.

Tous les six mois, la présidence tournante de l’Union européenne fixe des priorités. La Suède a défini ses objectifs pour le second semestre 2009 : mettre en place les nouvelles institutions prévues par le traité de Lisbonne, si celui-ci est enfin ratifié ; préparer l’important sommet de Copenhague, en décembre, appelé à relancer la lutte contre le réchauffement climatique ; élaborer un nouveau programme quinquennal, déjà baptisé « programme de Stockholm », dans le domaine de la justice et des affaires intérieures ; et, bien entendu, continuer d’assurer la gestion de la crise économique, du processus d’élargissement et de la diplomatie européenne. 

Constantes

Ces perspectives se situent clairement dans le prolongement des actions déjà engagées par les Européens sous les précédentes présidences. La réforme institutionnelle, la bataille environnementale, la construction d’un espace judiciaire européen sont des constantes de la politique de l’UE. Elles sont le résultat de longues négociations entre les Etats membres. Il en va de même des dossiers économiques et diplomatiques.

On voit mal comment, en six mois, le pays qui exerce la présidence pourrait infléchir d’une manière décisive les orientations de l’Union. Aussi est-on fondé à se demander, avec Ana Mar Fernandez, professeure à l’Université autonome de Barcelone et chercheure associée au Centre d’études européennes de Sciences Po, « quel est le pouvoir d’une présidence européenne » (Que fait l’Europe ?, sous la direction de Renaud Dehousse, Florence Deloche-Gaudez et Sophie Jacquot, Presses de Sciences Po, 2009). 

L’exemple de la présidence française au second semestre 2008 apporte des éléments de réponse. Ana Mar Fernandez note les « louanges quasi-unanimes » dont la présidence française a fait l’objet. Mais elle souligne qu’au moins trois des quatre grandes priorités de Nicolas Sarkozy – l’immigration, l’énergie, l’environnement – s’inscrivaient déjà dans la stratégie à long terme de l’UE. Quant à la quatrième – la défense - , elle avait été longuement discutée au cours de l’élaboration du traité constitutionnel. 

Ce qui reste d’une présidence

La présidence de l’Union a pour première mission de faire avancer les dossiers étudiés par les présidences précédentes, même si ceux-ci ne correspondent pas toujours à ses propres préférences. Le choix des thèmes dont s’empare l’Union ne dépend que marginalement de l’Etat qui exerce la présidence. Il répond à un agenda qui va bien au-delà de six mois. Et cela d’autant plus que, par souci de continuité, l’Union se donne des programmes communs à trois présidences successives. L’agenda de la Suède est ainsi le dernier volet d’un agenda établi conjointement avec la France et la République tchèque, qui l’ont précédée à la tête de l’Union.

Que reste-t-il donc à chaque présidence pour imposer sa marque ? Elle peut se singulariser d’abord en mettant en valeur un sujet qui, sans être central, lui tient particulièrement à coeur, comme l’a fait la France en lançant l’Union pour la Méditerranée ou comme l’ont fait, avant elle, le Portugal en organisant un sommet UE-Brésil ou, après elle, la République tchèque en développant le partenariat oriental. Dans le même esprit, la Suède tentera de promouvoir une stratégie pour la mer Baltique. 

Mais, au-delà de ces initiatives, ce qui peut assurer le succès d’une présidence, c’est avant tout son aptitude à faire travailler ensemble les Etats membres, en relation étroite avec la Commission et le Parlement, à faciliter les prises de décision collectives et à permettre à l’Union de tenir sa place sur la scène internationale, notamment en période de crise. Le président de l’Union est, selon Ana Mar Fernandez, comme « un capitaine de navire appelé à tout mettre en œuvre pour mener l’agenda européen à bon port ».

Fermeté et conciliation

Il en résulte, selon elle, que « l’expérience et le savoir-faire diplomatiques du président déterminent en grande mesure le résultat de cette entreprise ». Sa capacité d’impulsion doit se conjuguer avec son pouvoir de négociation pour mettre en mouvement la machine européenne. « En résumé, conclut Ana Mar Fernandez, présider le Conseil équivaut à un jeu de funambule. Le présider avec succès dépend de l’équilibre atteint et maintenu ».

Face aux crises de l’année 2008, Nicolas Sarkozy a su pratiquer ce jeu avec habileté en donnant une visibilité à l’Union européenne. La République tchèque, handicapée par des difficultés intérieures, a eu moins de réussite. La Suède ne manque ni d’expérience ni de savoir-faire. Son ministre des affaires étrangères, Carl Bildt, qui présidera le Conseil des affaires générales et des relations extérieures, pièce maîtresse du dispositif institutionnel, est reconnu comme un des meilleurs diplomates européens. A lui de faire valoir la juste combinaison entre l’esprit de fermeté et l’esprit de conciliation grâce auxquels l’Europe peut faire entendre sa voix dans le monde.