Les électeurs néerlandais plébiscitent l’Europe

L’ampleur de la défaite des eurosceptiques de droite et de gauche aux élections législatives est une surprise. Assurés d’une majorité au Parlement, les libéraux et les travaillistes vont former une coalition pro-européenne

Aux Pays-Bas, le virage eurosceptique attendu et souvent redouté n’a pas eu lieu. A l’occasion des élections législatives du 12 septembre, les partis populistes de droite et de gauche qui paraissaient avoir le vent en poupe ont été sévèrement défaits, et ce sont deux partis ouvertement pro-européens – les libéraux et les travaillistes – qui ont été placés largement en tête par les électeurs. C’est une surprise, tant les bouleversements qu’a connus depuis une dizaine d’années le paysage politique néerlandais laissaient croire au déclin des formations classiques et à la percée des extrêmes – gauche radicale et extrême droite.

 La campagne a largement tourné autour de la construction européenne, vivement attaquée par les deux grands partis d’opposition : le Parti pour la liberté (PVV) de Geert Wilders à droite et le Parti socialiste (PS) d’Emile Roemer à gauche. Ces deux partis sont à peu près l’équivalent l’un du Front national, l’autre du Front de gauche. Dans un pays qui a rejeté en 2005 par référendum, comme la France, le projet de traité constitutionnel, l’influence de ces deux formations très critiques à l’égard de l’Union européenne n’a cessé de grandir.

Les partis populistes en échec

Au cours de la campagne, leurs dirigeants, Geert Wilders et Emile Roemer,ont occupé la scène, chacun de son côté, avec autant d’énergie que Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, leurs homologues français, pendant la campagne présidentielle en France. Comme eux, ils ont été vaincus. Le Parti pour la liberté, qui avait provoqué les élections anticipées en retirant son soutien au gouvernement pour protester contre la politique d’austérité imposée par Bruxelles, avait axé toute sa propagande sur la question européenne, mettant en sourdine ses diatribes contre l’immigration et l’Islam. Ce choix ne lui a pas réussi : avec un score de 10,1 % et 15 élus, il perd neuf sièges et tout espoir de revenir au gouvernement.

 Le Parti socialiste, pour sa part, obtient 9,6 % des voix. Avec 15 élus, il maintient ses positions, mais son résultat est loin d’être à la hauteur de ses espérances. Longtemps placé en tête dans les sondages puis au coude à coude avec les libéraux, il se trouve nettement distancé. Sa dénonciation d’une Europe libérale qui mettrait en péril les acquis sociaux du peuple néerlandais et sa demande de référendum sur le pacte budgétaire n’ont pas été entendues. Le « Mélenchon néerlandais », farouche pourfendeur de l’orthodoxie bruxelloise, a perdu son pari, comme le chef du Front de gauche en France. Les électeurs de gauche ont préféré accorder leur confiance aux sociaux-démocrates du PVDA, le Parti du travail, de Diederik Samson.

Vers une coalition entre libéraux et travaillistes

 Les travaillistes, arrivés en seconde position avec 24,7 % des suffrages et 39 élus, soit un gain de 9 sièges, vont donc revenir au pouvoir en formant une coalition avec les libéraux de Mark Rutte, le premier ministre sortant, dont le parti obtient 25,6 % des voix et 41 sièges, soit 10 de plus qu’au précédent scrutin. Assurésde la majorité au Parlement avec 80 députés (sur 150), les deux partis sont condamnés à gouverner ensemble. Ils sont l’un et l’autre favorables à la politique conduite par l’Union européenne, même si les travaillistes, comme François Hollande en France, insistent sur la relance de la croissance alors que les libéraux mettent l’accent sur la rigueur et la compétitivité.Ils sont surtout résolus à sauver la zone euro en dépit de leurs divergences sur l’aide à la Grèce et sur le fédéralisme européen.

 Dans une Europe minée par les nationalismes et les populismes, les Pays-Bas ont été parfois donnés en exemple du malaise européen face à la crise. En affichant leur euroscepticisme, leur méfiance à l’égard de l’immigration, leur refus du multiculturalisme, ils ont semblé exprimer les sentiments communs à une grande partie des Européens. On ne peut qu’espérer que le revirement pro-européen dont témoigne le résultat des élections législatives sera le signal d’une évolution comparable dans les pays voisins.