Les sociaux-démocrates allemands gardent le cap Schröder

Chaque mardi, le point de vue de la rédaction de Boulevard-Extérieur sur un sujet de politique internationale.

Si François Hollande espérait pour sa politique européenne un coup de main des « camarades » allemands après les élections générales de septembre 2013, il risque d’être déçu. Non seulement parce que les sondages sont actuellement favorables à Angela Merkel et au Parti chrétien-démocrate (CDU-CSU) mais aussi parce que le candidat à la chancellerie désigné la semaine dernière par le SPD à une réputation d’orthodoxie. Peer Steinbrück, 65 ans, a été ministre des finances de la grande coalition entre 2005 et 2009 et s’est fort bien entendu avec la chancelière. Dans le Parti social-démocrate, il se situe plutôt sur l’aile droite. Il défend « l’Agenda 2010 » présenté par Gerhard Schröder en 2002 – qui lui a fait perdre les élections de 2005. Cette politique, poursuivie par la coalition « bourgeoise » entre la démocratie chrétienne et les libéraux (FDP), visait à réformer l’Etat providence et à assouplir le marché du travail. Peer Steinbrück vante son « caractère international exemplaire ».

Ces prises de positions ne plaisent pas à la gauche social-démocrate mais le nouveau candidat à la chancellerie n’en a cure. Il compte sur la volonté partagée par tous les membres du SPD de revenir au pouvoir, plutôt à la tête d’une coalition avec les Verts, comme de 1998 à 2005, que comme junior partner dans une grande coalition dirigée par Angela Merkel.

Pour le moment, les sociaux-démocrates et les Verts sont à la traine. Mais les premiers devraient marquer des points dans les prochaines semaines après avoir nommé un candidat à la chancellerie capable de rivaliser, intellectuellement, avec l’actuelle titulaire du poste. Jusqu’à maintenant, le SPD souffrait de ne pas avoir de chef de file, ou plus exactement d’en avoir trois : le président du Parti, Sigmar Gabriel, le chef du groupe parlementaire au Bundestag et ancien ministre des affaires étrangères Frank Walter Steinmeier, et Peer Steinbrück. Cette « troïka » avait décidé de se laisser jusqu’en novembre pour choisir l’un des siens. Mais le temps pressait si le SPD ne voulait pas continuer à apparaitre comme un bateau sans pilote. Sigmar Gabriel s’est désisté à cause des mauvais sondages d’opinion, Frank Walter Steinmeier essentiellement pour des raisons personnelles.

Peer Steinbrück est un disciple d’Helmut Schmidt. L’ancien chancelier, qui, à 93 ans passés apparait de plus en plus comme la conscience de la nation allemande, l’a adoubé depuis longtemps. A l’instar de son mentor dont il a été l’assistant au gouvernement, Peer Steinbrück est un pragmatique à l’esprit vif et caustique, passionné par les choses de l’économie. Comme lui, il n’a pas un respect démesuré pour le programme de son propre parti dont il désapprouve la politique sociale trop fondée sur l’action de l’Etat. Sur l’euro et l’Europe, il est proche des thèses d’Angela Merkel avec qui il a traversé la crise de 2008, en tant que grand argentier de la grande coalition. S’il arrivait au pouvoir, il ne romprait pas radicalement avec la politique de la chancelière qui est d’ailleurs approuvée par plus de 70% des Allemands. Il a toutefois préconisé récemment un contrôle renforcé des banques, ce qui a plus à la gauche du SPD.

Ancien ministre-président de Rhénanie-Westphalie, le Land le plus peuplé d’Allemagne, bastion de la social-démocratie, Peer Steinbrück est dans la situation actuelle le meilleur espoir de son parti. Mais pour devenir le premier à Berlin, il doit résoudre la quadrature du cercle : faire au moins égal avec une chancelière très populaire, entrainer derrière lui l’ensemble de son parti, attirer les électeurs du centre sans faire fuir ceux de gauche, et laisser entendre aux libéraux qu’ils pourraient avoir une place dans un vaste coalition. C’est l’équation obligée d’une démocratie parlementaire.