Les trois handicaps de Barack Obama

Après avoir emporté brillamment les primaires démocrates, Barack Obama est rejoint, voire dépassé, dans les sondages par le candidat républicain John McCain. La convention démocrate qui s’est ouverte à Denver (Colorado) lundi 25 août va lui donner l’occasion de rebondir. Traditionnellement, les conventions des grands partis américains sont des grands messes qui apportent quelques points à la popularité des candidats. Il en ira ainsi pour Barack Obama comme pour McCain dans quelques semaines, avec la convention républicaine. Le sénateur de l’Illinois pourrait reprendre un avantage très provisoire sur son adversaire républicain.

Orateur brillant, personnage charismatique, Obama souffre de trois handicaps. Le premier est justement ce brio qui séduit les foules de supporteurs mais n’attire pas nécessairement les électeurs. Son aisance, une certaine forme de nonchalance, le font passer pour élitiste même si sa biographie dément cette réputation. Les réflexions qu’il a laissé percer presque en privé sur ces classes moyennes attirées par les armes et la bière pour compenser un certain déclin social, ont au contraire renforcé cette impression. Sa tournée à l’étranger, qui a été un succès du point de vue de ses hôtes et de la foule qui l’accueilli à Berlin, ne lui a pas apporté de voix supplémentaires. L’Américain moyen est plus préoccupé par le prix de l’essence que par les questions géopolitiques. Parlant d’Antoine Pinay, le père du nouveau franc en 1960, Edouard Herriot remarquait : « cet homme est malin, il s’est fait une tête d’électeur. » Barack Obama doit aussi se faire une tête d’électeur américain.

Le deuxième handicap a trait à la race. Une majorité d’Américains est-elle prête à voter pour un président noir ou métis ? La réponse n’est pas évidente. Le politiquement correct veut qu’elle soit positive. Des sondages ont montré que, pour beaucoup d’électeurs, la race était moins importante que l’âge. Autrement dit, une majorité était plus facilement disposée à voter pour un Noir que pour un candidat âgé, pour Obama, plutôt que pour McCain qui a 72 ans. Est-ce parce que ça ne se fait pas d’affirmer le contraire ? Dans les régions où il n’y a pas de Noirs, cette majorité en faveur d’Obama est plus forte que là où la population est plus mêlée. Les primaires ont cependant montré que, pour la première fois et certainement à cause de la candidature d’Obama, plus de Noirs s’étaient inscrits sur les listes électorales et avaient voté. Une des clés du scrutin du 4 novembre est de savoir qu’ils seront assez nombreux pour compenser les éventuelles défections chez les électeurs démocrates blancs.

Enfin, le troisième handicap tient à l’absence supposée d’expérience internationale du sénateur de l’Illinois. Il est président de la Sous-commission des affaires européennes au Sénat mais il ne l’a encore réuni que trois fois pour valider des nominations d’ambassadeurs. Sa tournée en Israël et en Europe avait pour but de montrer que non seulement il n’était pas un inconnu à l’étranger mais que la politique extérieure ne lui était pas… étrangère. Le regain de tension internationale, après la guerre russo-géorgienne, sert son adversaire. John McCain peut se prévaloir non seulement son courage pendant la guerre du Vietnam mais d’une longue fréquentation des milieux stratégiques américains et européens. Un des ses collaborateurs avait vendu la mèche au début de la campagne : un acte terroriste, avait-il dit en substance, serait favorable à McCain. Il avait été rappelé à l’ordre mais n’en avait pas moins dit une vérité. Si ce n’est pas le terrorisme, c’est le parfum actuel de "guerre froide" qui peut servir le candidat républicain. Avant même les hostilités dans le Caucase, McCain avait appelé à exclure la Russie du G8.

Le choix du sénateur Joe Biden, comme candidat à la vice-présidence vise de la part de Barack Obama à lutter contre ce handicap. Le sénateur du Delaware, président de la Commission des affaires étrangères du Sénat, a l’expérience internationale qui manque à son collègue de l’Illinois. Les candidats démocrates à la présidence et à la vice-présidence se complètent ainsi très bien. Toutefois, ce choix est à double tranchant. Il comble un vide et en même temps il souligne ce besoin pour Obama de s’entourer de gens lui apportant ce qui lui manque.

Il lui reste deux mois pour surmonter ces trois handicaps.