Lueur d’espoir en Syrie

Chaque mardi, le point de vue de la rédaction de Boulevard-Extérieur sur un sujet de politique internationale.

Emissaire des Nations unies et de la Ligue arabe en Syrie, Kofi Annan n’a pas perdu l’espoir d’obtenir l’application de son plan de paix. Jusqu’ici l’affaire semblait mal engagée. Ni le pouvoir syrien ni les rebelles n’étaient prêts à déposer les armes pour répondre aux demandes de l’ancien secrétaire général de l’ONU, mandaté par la communauté internationale pour tenter de mettre fin aux massacres. Bachar Al-Assad, en particulier, ne montrait aucun empressement à interrompre la sauvage répression exercée par les forces gouvernementales. « Le chef des massacreurs », comme l’a appelé Laurent Fabius, continuait ses « tueries quotidiennes ». L’hypothèse d’une intervention militaire n’étant pas à l’ordre du jour, l’impasse paraissait totale.

L’ancien secrétaire général de l’ONU ne s’est pas découragé. Il a poursuivi sa mission, en se disant que les pressions sur le dictateur syrien allaient porter leurs fruits. Certains indices suggèrent qu’il n’avait pas tort. La position de Bachar Al-Assad s’est affaiblie. Comme le note, parmi d’autres, l’hebdomadaire britannique The Economist, il se pourrait que « le vent commence à tourner » en sa défaveur et que sa situation devienne de plus en plus difficile dans les semaines à venir.

Cet espoir repose sur deux considérations. La première est que, sur le plan diplomatique, la mobilisation internationale s’accentue, isolant le régime syrien. La récente conférence des Amis du peuple syrien, qui a rassemblé à Paris plus de cent pays, a demandé un renforcement des sanctions et une aide accrue aux insurgés. François Hollande a jugé « inéluctable » la chute de Bachar Al-Assad, affirmant que la crise syrienne est devenue « une menace pour la paix et la sécurité internationales ».

Le compromis de Genève

La communauté internationale durcit le ton contre Damas. Il est vrai que la Russie et la Chine ne s’associent pas à cette mobilisation. Mais ces deux pays, principaux alliés de la Syrie, donnent l’impression de s’interroger sur leur soutien à Bachar Al-Assad. Ainsi ont-ils souscrit au compromis adopté à Genève qui prévoit la formation d’un gouvernement de transition « sur la base d’un consentement mutuel ». Ce texte fait l’objet d’interprétations divergentes.

Pour les uns, cet appel à des négociations entre le bourreau et ses victimes n’est qu’une supercherie, qui s’apparente à un renoncement. « Le compromis de Genève se lit comme un lâchage en règle des demandes de ceux qui, en Syrie, veulent se débarrasser d’un tyran », écrit Le Monde. Mais pour d’autres, à commencer par Laurent Fabius, la référence à un « consentement mutuel » exclut de fait Bachar Al-Assad du futur gouvernement de transition. « Jamais l’opposition ne va accepter Bachar Al-Assad, estime le ministre français des affaires étrangères. Bachar Al-Assad doit partir. Bachar Al-Assad, à terme, c’est fini ». Si cette interprétation est la bonne et si le président syrien l’accepte, une issue politique est alors possible.

La résistance des forces rebelles

 

L’autre raison qui encourage Kofi Annan à continuer sa mission est que, sur le plan militaire, les forces rebelles résistent aux coups de boutoir de l’armée gouvernementale. Celle-ci est capable de bombarder les positions adverses et de « punir » les insurgés mais elle ne paraît pas en mesure de rétablir l’ordre. Selon des chiffres de l’ONU, 40 % des régions habitées échapperaient au contrôle du pouvoir. Quoique divisée, l’opposition gagne en crédibilité. La défection du général Tlass, un proche de Bachar Al-Assad, souligne la fragilité du régime.

L’obstination de Kofi Annan finira-t-elle par payer ? Il est trop tôt pour le dire mais cette perspective n’est plus exclue. Le chef des trois cents observateurs de l’ONU, le général norvégien Robert Mood, a beau déclarer qu’il y a « beaucoup trop de discussions dans de beaux hôtels » et pas assez d’action, la diplomatie est peut-être en passe de gagner la bataille.