MOSCOU, BERLIN, PARIS

Il est de l’intérêt de la France d’établir des relations de coopération avec la Russie, si possible dans un rapport triangulaire incluant l’Allemagne, plaide Francis Gutmann, ambassadeur de France.

Dès son arrivée au pouvoir, M. Poutine s’était employé à rendre à la Russie sa place dans le monde malgré ses frontières réduites. Compte tenu de la disproportion existant désormais entre elle et la Chine, et d’autre part des menaces islamistes au Sud, il voulut faire de l’Europe un partenaire privilégié.

Mais il lui apparut très vite que l’Union européenne manquait de réalité. De plus les pays européens suivaient les Etats-Unis dans leur politique d’intégration à l’OTAN d’anciennes républiques soviétiques, ou encore pour l’installation d’un barrage antimissile. Plus généralement, les Etats-Unis, quant à eux, continuaient le plus souvent de considérer la Russie avec le même regard qu’à l’époque de la guerre froide.

Ainsi la Russie se trouva-t-elle en quelque sorte assiégée de l’Est – la Chine, du Sud – les islamistes, et refoulée à l’Ouest par l’Europe et les Etats-Unis, sans d’autre part d’accès en propre à la mer.

M. Poutine ne saurait se satisfaire de cette situation. A l’Est, il va chercher à entretenir avec la Chine des relations fondées sur des intérêts économiques communs et sur leurs préoccupations partagées en Asie Centrale. Mais ces relations, non exemptes de méfiance réciproque, sont appelées à demeurer relativement limitées.

A l’Ouest, les Russes ont avec les Américains des rapports que Barak Obama cherche épisodiquement à améliorer sans que cette amélioration parvienne à être significative et durable.

Reste l’Europe. A défaut d’Union européenne, M. Poutine paraît devoir rechercher, sur un plan bilatéral, une coopération plus étroite avec certains pays, en particulier l’Allemagne. Entre celle-ci et la Russie, il existe de longue date à la fois une attirance et une hostilité mutuelles. Mais entre la première, face à une Europe affaiblie, et la seconde dans son isolement, la tentation peut être forte de se rapprocher.

La France a avec la Russie une relation d’amitié ancienne. Mais pour l’heure, elle ne cesse de la juger en tout et de la critiquer sans nuance. Cette politique à courte vue l’expose largement à se retrouver un jour isolée, à l’extrémité occidentale de la péninsule européenne. Si au contraire elle sait établir avec Moscou les bases d’une coopération renouvelée, non seulement elle évitera ce risque, mais mieux encore elle constituera avec la Russie un binôme, éventuellement un trinôme avec l’Allemagne, qui constituera une force considérable pour l’équilibre eurasien et plus généralement la paix dans le monde.