Maastricht est mort, vive le futur traité européen

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L’architecture européenne mise en place il y a vingt ans par le traité de Maastricht est à bout de souffle. La crise économique et financière que traverse l’Europe a montré ses faiblesses. Le moment est venu de remettre en chantier l’organisation de l’Union. Le Conseil européen qui réunira à Bruxelles, les 13 et 14 décembre, les chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-Sept devrait être l’occasion de cette révision.

Le rapport d’Herman Van Rompuy en faveur d’ « une véritable union économique et monétaire » est appelé à servir de base à cette nouvelle étape de l’intégration européenne. La Commission européenne vient, à son tour, d’apporter sa contribution à la relance de l’Europe en publiant son « projet pour une union plus étroite ». 

La feuille de route établie par le rapport Van Rompuy fixe quatre objectifs aux Vingt-Sept : réaliser l’union bancaire, compléter l’union budgétaire, renforcer l’union économique et donner à l’union politique davantage de légitimité démocratique. Le document de la Commission définit un calendrier, en distinguant le court terme (de six à dix-huit mois), le moyen terme (de dix-huit mois à cinq ans) et le long terme (après cinq ans).

A court terme, la Commission souhaite, dans la perspective de l’union bancaire, un accord sur des mécanismes de surveillance et de résolution pour les banques. Elle recommande aussi la création d’un « instrument de convergence et de compétitivité » dans le budget communautaire pour soutenir les réformes structurelles. A moyen terme, « la conduite collective de la politique budgétaire ainsi que la coordination des politiques économiques doivent être renforcées ». Outre la mise en place d’une « capacité budgétaire » propre à la zone euro, le texte envisage la création d’un fonds d’amortissement et de bons du trésor européens afin de stabiliser les marchés financiers.

A long terme, le plan de la Commission propose « une union bancaire, budgétaire et économique complète » dotée d’une véritable fonction « de stabilisation et d’absorption des chocs ». « Un cadre de gouvernance économique et budgétaire profondément intégré pourrait permettre l’émission en commun de dette publique », indique le texte, qui appelle à un processus d’intégration « plus rapide et plus poussé » dans la zone euro que dans l’ensemble de l’UE, « sans compromettre le marché unique ». Cette dernière étape « nécessiterait une révision en profondeur des traités », précise la Commission, qui estime qu’ « un accroissement du contrôle démocratique doit accompagner toute modification des traités ».

Le futur traité devra être d’une tout autre ampleur que le récent traité budgétaire qui a introduit la fameuse « règle d’or » dans les législations européennes. Il sera appelé en effet à remplacer le traité de Maastricht, qui fut une étape majeure dans la construction de l’Europe. En créant une monnaie unique, les Européens ont cru que celle-ci aurait pour conséquence un rapprochement des systèmes économiques et sociaux des Etats membres, condition de son bon fonctionnement. C’est le contraire qui s’est produit : face à la crise, les divergences se sont accrues, rendant de plus en plus difficile la gestion de la monnaie unique. Les dispositions adoptées alors, comme le pacte de stabilité et de croissance, n’ont pas suffi à empêcher cette dérive.

Il s’agit donc aujourd’hui, comme l’a souvent répété Jacques Delors, de permettre, à côté de la politique monétaire commune, une plus grande convergence des politiques économiques pour que l’Union économique et monétaire marche enfin sur ses deux pieds. L’historien Pierre Rosanvallon souligne, dans un récent entretien au Journal du dimanche (2 décembre), que la monnaie doit être à la fois « un instrument de circulation » et « un instrument de contrat social ». C’est cette seconde dimension, celle de la solidarité entre les Etats, que l’Europe doit tenter de mettre en place en s’accordant sur une nouvelle architecture. Le chantier sera long. Les citoyens devront, d’une manière ou d’une autre, y être associés, comme ils l’ont été en France à la ratification du traité de Maastricht. C’est ainsi que l’UE pourra, comme le dit encore Pierre Rosanvallon, cesser de n’être, pour l’essentiel, qu’un « espace de circulation » pour devenir aussi un « espace de redistribution ».