Macron, Poutine et l’Ukraine

En invitant Vladimir Poutine, lundi 19 août, à le rencontrer au Fort de Brégançon, résidence estivale de la présidence de la République, Emmanuel Macron a voulu profiter de circonstances exceptionnelles – la présidence française du G7 et du Conseil de l’Europe, l’affaiblissement de l’Allemagne sous le règne finissant d’Angela Merkel, la paralysie du Royaume-Uni dans l’attente du Brexit, la phase de transition à Bruxelles entre deux Commissions – pour tenter de débloquer quelques dossiers sensibles dans lesquels la Russie joue un rôle-clé.

Le risque était de paraître apporter le soutien de la France au président russe au moment où celui-ci, sur le plan intérieur, durcit la répression contre ses opposants et où, sur le plan extérieur, il intensifie en Syrie, aux côtés des forces de Bachar al-Assad, les raids aériens contre les rebelles d’Idlib, malgré le cessez-le-feu conclu à Sotchi.
Emmanuel Macron a choisi d’affronter les critiques de ceux qui jugeaient cette rencontre inopportune. Il a estimé que l’occasion devait être saisie de remettre la Russie dans le jeu diplomatique et de renouer un dialogue utile avec Vladimir Poutine.

La « recomposition » de l’ordre international

Celui-ci cherche en effet à sortir de son isolement diplomatique, dont témoigne son exclusion du G8, redevenu G7, et à obtenir la levée des sanctions dont souffre son pays depuis l’annexion de la Crimée.
Même s’il affiche avec ostentation ses désaccords avec ses interlocuteurs européens, voire son mépris à l’égard des régimes libéraux des pays occidentaux, le président russe peut être tenté par les offres de coopération présentées par son homologue français et par la perspective d’un réchauffement des relations de son pays avec le reste de la communauté internationale. Son intérêt est d’être associé, d’une façon ou d’une autre, à la « recomposition » de l’ordre international à laquelle appelle Emmanuel Macron.

Vladimir Poutine est et restera pour le président français comme pour les autres dirigeants du monde un interlocuteur difficile. Il serait naïf de croire qu’il est prêt à changer de cap pour répondre aux demandes des Européens. Une conversation de quelques heures dans le cadre idyllique des bords de la Méditerranée ne saurait suffire, à l’évidence, pour réconcilier des adversaires dont les choix politiques, économiques et géopolitiques sont de plus en plus divergents.

Aucun progrès spectaculaire n’est donc attendu au lendemain de la rencontre de Brégançon, à quelques jours du G7 de Biarritz. Comme l’écrit Le Monde, Emmanuel Macron joue sur le « temps long », et non sur le court terme. Il inscrit sa volonté de rapprochement avec Moscou dans l’histoire séculaire des relations entre les deux pays. Vladimir Poutine, il le sait, n’est pas homme à modifier une stratégie définie de longue date et appliquée sans faiblesse depuis son accès au pouvoir.

La question du Donbass

Pourtant, même si les orientations de la politique russe restent inchangées dans les années à venir, des concessions sont possibles sur les conditions de leur mise en œuvre. Dans quel domaine ? Il est peu probable que Vladimir Poutine renonce à soutenir Bachar al-Assad en Syrie. Le président russe s’est engagé fermement auprès du dictateur syrien et rien ne permet de penser qu’il envisage de réviser sa position. En Ukraine, autre dossier chaud, nul ne croit que la Crimée sera rendue aux Ukrainiens. L’annexion ne sera pas remise en cause. En revanche, la question du Donbass pourrait faire l’objet d’un règlement.

Vladimir Poutine a exprimé « un certain optimisme » après l’élection du nouveau président ukrainien Volodymyr Zelinsky. Emmanuel Macron a estimé que les choix du successeur de Petro Porochenko représentent un « vrai changement ». Le conflit du Donbass pourrait ainsi être au cœur du nouveau dialogue entre Moscou et les Européens. « Il n’y aura pas de réconciliation sans progrès visible en Ukraine », a déclaré au Monde l’expert russe Andreï Kortunov. Un sommet à quatre, réunissant l’Ukraine, la Russie, l’Allemagne et la France – une formule inaugurée en 2014 au château de Bénouville et baptisée ensuite « format Normandie » - devrait être organisé prochainement à l’initiative d’Emmanuel Macron. Rien n’est encore acquis mais si la négociation est relancée, le sommet de Brégançon n’aura pas été inutile.