Jean-Yves Le Drian a trouvé la formule choc : « En 2013, nous avons gagné la guerre. Aujourd’hui, nous avons gagné la paix ». Le ministre français de la défense, qui s’est rendu, le lundi 22 juin à Bamako, faisait référence à la situation au Mali, au lendemain de la signature d’un accord entre le gouvernement central et les représentants de la Coalition des mouvements de l’Azawad (CMA).
Les dirigeants maliens ont résisté aux revendications des Touaregs qui demandaient une fédéralisation du pays, voire une autonomie pour les régions du nord. En revanche, ils ont accepté la création d’assemblées régionales dotées de pouvoirs importants élues au suffrage universel. Les unités de combattants touaregs devraient être intégrées dans l’armée régulière du pays. L’accord a été signé sous l’égide de l’Algérie qui, avec la France, est en quelque sorte garante de la mise en œuvre.
Il est l’aboutissement politique de l’intervention militaire française de janvier 2013. L’opération Serval visait à délogeait des djihadistes qui menaçaient, selon Paris, de marcher vers le sud, sur la capitale du Mali. Les mouvements autonomistes touaregs n’étaient que des alliés intermittents d’AQMI, Al-Qaïda au Maghreb islamique, qui aurait pu servir à un moment leurs intérêts mais qui était aussi un rival dans le contrôle du Nord malien. L’engagement des soldats français décidé par François Hollande peu de temps après son arrivée au pouvoir a permis de réduire le danger islamiste au Mali, sans pour autant y mettre fin totalement. L’opération Barkhane, à partir d’une base au Niger, a succédé à l’opération Serval. Elle implique des forces appartenant à des pays voisins de la bande sahélienne, aux côtés des unités françaises.
La formule de Jean-Yves Le Drian souligne le contraste entre ce qui apparaît au Mali comme un succès politique et le chaos qui a succédé en Libye à l’intervention internationale de 2011. Le suivi politique de l’action militaire n’a pas été assuré par la coalition qui a renversé le colonel Kadhafi. Aujourd’hui deux gouvernements rivaux se disputent le pouvoir en Libye et aucun n’a la capacité ni la volonté de maîtriser les groupes djihadistes qui ont proliféré depuis l’effondrement du régime du « Guide ». Au contraire, la Libye est devenue une base avancée du djihadisme dans toute la région, avec des menaces sur les pays voisins comme la Tunisie, l’Algérie ou l’Egypte, et au sud, sur le Tchad, le Niger, voire le Nigeria. Le ministre français de la défense a précisé que Daech, acronyme arabe de l’Etat islamique, contrôle quelque 250 kilomètres de côtes en Libye, et par là, peut agir sur les flux migratoires qui se dirigent vers l’Europe.
Pour autant, il serait simpliste d’opposer les « bonnes » interventions extérieures au « mauvaises », celles qui ont une suite politique réussie à celles qui se limitent à l’aspect militaire. Rien n’est jamais garanti et ce qui apparaît aujourd’hui comme un succès politique au Mali peut être de courte durée si les partenaires locaux ne sont pas de bonne foi ou si la communauté internationale relâche sa pression. Au-delà de l’engagement militaire et diplomatique, la solution de crises régionales suppose aussi des efforts financiers qui ne doivent pas être abandonnés dès les premiers signaux positifs.
S’il y a une leçon à tirer, c’est que les décisions d’intervenir militairement doivent être prises au cas par cas et qu’en tout état de cause, ces opérations extérieures impliquent des engagements à long terme, pas des actions spectaculaires sans lendemain.