Les élections municipales qui viennent d’avoir lieu en Afrique du Sud marquent un sérieux revers pour l’ANC, le Congrès national africain, qui domine la vie politique depuis 1994 et l’élection de Nelson Mandela à la présidence. Avec un score national de 56% des suffrages, l’ANC pourrait faire des envieux dans beaucoup de pays démocratiques. Mais le parti du président Jacob Zuma perd 11 points par rapport à 2011. Il passe surtout au-dessous de la barre des 60%, considérés comme un minimum pour une formation qui profite de la gloire conquise dans la lutte contre l’apartheid et qui continue de contrôler les principaux rouages de l’Etat, notamment dans les campagnes.
L’Afrique du Sud n’est plus celle de Nelson Mandela. Ses successeurs, d’abord Thabo Mbeki (1999-2008) puis Jacob Zuma, n’ont ni sa hauteur de vues, ni son sens de l’intérêt général au-delà des différences d’origine. Classé parmi les émergents (BRICS), le pays est en crise depuis le début de la décennie. La croissance stagne, le chômage atteint officiellement 25% et touche particulièrement les jeunes Noirs. Les scandales succèdent aux affaires de corruption. Le président est mis en cause par la Haute cour constitutionnelle pour avoir financé sa résidence privée avec des deniers publics.
En même temps, une classe moyenne noire se développe dans les villes. C’est elle qui a tourné le dos à l’ANC et a voté en faveur de Democratic Alliance (DA), un parti de centre droit. DA a d’abord été un refuge politique pour les Blancs, qui contrôlent encore l’essentiel de l’économie, mais le parti a su élargir sa base en nommant à sa tête un Noir, Mmusi Maimane. Son mot d’ordre est la lutte contre le racisme et il a été entendu.
DA a augmenté son score au Cap, la seule ville qu’elle contrôlait jusqu’à maintenant. Elle a conquis la métropole de Nelson Mandela Bay, qui comprend la ville industrielle de Port Elisabeth. Elle fait jeu égal avec l’ANC dans la capitale économique de l’Afrique du sud Johannesburg, et dans la capitale politique Pretoria.
A la gauche de l’ANC est apparue une petite formation, l’EFF (Economic Freedom Fighters), dirigée par Julius Malema, un jeune dissident de l’ANC, qui prône l’expropriation des Blancs et prend pour modèle le Zimbabwe voisin en faillite économique et politique. Avec moins de 10% des voix, il peut être un « faiseur de roi » dans les villes où ni l’ANC ni DA n’ont une majorité claire.
Le résultat des élections municipales, considérées en Afrique du Sud comme un test national, est une mauvaise nouvelle pour l’ANC. Mais il est une bonne nouvelle pour un pays qui malgré la crise économique et la violence quotidienne reste un exemple sur un continent qui compte peu d’élections honnêtes et pacifiques.