Merkel et Hollande dans les pas d’Adenauer et De Gaulle

François Hollande et Angela Merkel ont célébré, le dimanche 8 juillet, le cinquantième anniversaire de la réconciliation franco allemande, à Reims sur les lieux mêmes où Charles De Gaulle et Konrad Adenauer avaient scellé les retrouvailles et préparé le traité de l’Elysée qui devait être signé le 22 janvier 1963. Une occasion pour le président français comme pour la chancelière allemande de souligner le caractère « incontournable » de la coopération entre Paris et Berlin.

Les premières semaines de la présidence Hollande avait été rude pour la coopération franco-allemande. Angela Merkel n’avait pas jugé bon de recevoir le candidat socialiste pendant la campagne électorale et celui-ci, s’il semblait ne pas en vouloir à la chancelière, était bien décidé à infléchir la ligne politique de son prédécesseur. Nicolas Sarkozy avait abandonné l’idée d’ériger l’Allemagne en modèle dans ses discours électoraux, mais sa tactique, au cours des derniers mois, consistait à coller le plus possible à Berlin sur tous les dossiers européens, comme pour profiter de la bonne réputation du voisin d’outre-Rhin et se mettre à l’abri de la mauvaise humeur des marchés financiers. Cette tactique n’avait pas empêché une agence de notation de dégrader la note de la France, alors que le triple A avait été présenté comme « un trésor national » mais au moins les taux d’intérêt payés par la France pour financer sa dette ne s’étaient pas envolés à l’instar des taux italiens ou espagnols.
François Hollande a choisi une autre stratégie. Il est convaincu, comme les économistes qui l’entourent, que la politique restrictive menée depuis le début de la crise conduit à la catastrophe. Elle aggrave la récession au lieu de la combattre. Certains conseillers pensent même que le rythme de réduction du déficit public qui a été décidé par Nicolas Sarkozy et accepté par son successeur – à une année près – est suicidaire. Mais le président de la République ne peut pas le dire sans courir le risque de voir doubler les taux d’intérêt. Il doit donc naviguer entre deux écueils : la rigueur budgétaire imposée par l’Europe sous l’impulsion de Berlin et la relance de la conjoncture. C’est un peu la quadrature du cercle. Et François Hollande a peu de chances de convaincre Angela Merkel que c’est la bonne méthode.
D’où les divergences actuelles entre la France et l’Allemagne qui ne se réduisent pas à la difficulté traditionnelle pour deux nouveaux interlocuteurs de comprendre le partenaire.
De ce point de vue la rencontre de Reims devrait être bénéfique. Depuis que François Hollande et Angela Merkel se rencontrent à Bruxelles, au G8 ou au G20, ou encore en tête à tête à Paris et Berlin, pour la première fois, la chancelière est apparue détendue, souriante, riant aux bons mots auxquels le président ne peut pas résister. Comme si l’atmosphère avait changé. Cela ne suffit pas à écarter tous les obstacles. Les différences d’analyse et de perspective, voire les malentendus, demeurent. Toutefois ils seront plus faciles à surmonter si la confiance s’établit entre les chefs de l’exécutif et aussi, et peut-être surtout, entre leurs proches collaborateurs.
A Reims, le président comme la chancelière ont usé de termes très proches pour définir le rôle de la coopération franco-allemande et pour tracer l’avenir de l’Union européenne, y compris l’union politique. Angela Merkel a cependant paru plus pressée d’avancer dans ce sens que François Hollande. L’ancien secrétaire national du PS reste traumatisé par les divisions de son parti sur l’Europe et par l’échec du référendum de 2005 sur le traité constitutionnel.
En revanche, Angela Merkel s’est abstenue de répondre à la proposition française de « compléter » le traité de l’Elysée de 1963, proposition réitérée à Reims par François Hollande. Les Français voudraient ajouter des dispositions sur la jeunesse, la politique industrielle, l’environnement, l’énergie… Les Allemands sont perplexes par rapport à ces gestes symboliques qui engendrent parfois de nouvelles institutions inutiles. Ils y voient un moyen de détourner l’attention des problèmes concrets, ceux qu’Angela Merkel, forte de son expérience scientifique, se plait à vouloir résoudre.