L’attitude est caractéristique de cet avocat formé en Ukraine et aux Etats-Unis, qui, en 2004, est devenu à 36 ans un des plus jeunes chefs d’Etat du monde. Même les partisans de la « révolution des roses » le décrivent comme cyclothymique, passant de phases d’exaltation à des phases de découragement, se comportant avec les attributs du pouvoir comme un adolescent qui vient de quitter la tutelle de ses parents.
Il était dans un cabinet d’avocat à New York quand Zourab Jvania est allé le chercher pour grossir les rangs des jeunes qui, à la demande du président Chevardnadze, devaient former la relève de la politique géorgienne. Ce sont ces jeunes qui, en 2003, se sont rebellés contre le vieil autocrate passé dans les années 1980 de son rôle d’apparatchik communiste féal des Russes à celui de co-auteur de la perestroïka avec Mikhaïl Gorbatchev.
Ils étaient trois à la tête du mouvement, outre Saakachvili, il y avait Zourab Jvania et Nino Bourdjanadze. Après la victoire de la « révolution des roses », il s se sont partagés les rôles : Micha deviendrait président, Zourab premier ministre et Nino, quant à elle, qui serait bien vue à la tête de l’Etat, elle serait présidente du Parlement. Le trio a fonctionné jusqu’à cette nuit tragique de février 2005 où Zourab Jvania a été retrouvé mort le petit appartement d’un de ses amis. Officiellement la mort a été attribuée a l’empoisonnement par l’oxyde de carbone dégagé par un poêle défectueux de fabrication iranienne. Une enquête du FBI a corroboré cette version de la police géorgienne mais, à l’époque, les rumeurs sont allées bon train.
Avec la disparition de Jvania l’équipe Saakachvili perdait son vrai « politique ». Dans l’attelage, Micha était le verbe et Zourab la tête. Ce dernier avait commencé à faire de la politique à la fin des années 1980 dans le mouvement écologique. Il avait de bonnes relations avec divers personnages de la vie géorgienne, y compris avec le « président » autoproclamé de l’Ossétie du sud, Edouard Kokoity, et il avait joué un rôle important, à l’été 2004, pour convaincre M. Saakachvili de renoncer à la force pour régler le sort des régions séparatistes. Cette voix de la raison a manqué auprès de Micha.
Comme lui a manqué une vraie diplomate pour gérer les rapports délicats avec la Russie. Il l’avait avec Salomé Zourabichvili, l’ambassadeur de France à Tbilissi, devenue ministre des affaires étrangères géorgienne par la volonté conjuguée de Jacques Chirac et de Mikheil Saakachvili. En quelques mois, Mme Zourabichvili a réussi à négocier en douceur le départ des Russes des deux bases qu’ils occupaient encore en Géorgie, en contradiction avec leurs engagements précédents. Mais elle devenait gênante à partir du moment où elle s’était mis en tête de gérer la diplomatie géorgienne selon des normes professionnelles et non claniques. Elle est aujourd’hui à la tête de l’opposition à Tbilissi.
Beaucoup d’autres anciens compagnons de route de M. Saakachvili, partis volontairement ou écartés, ont aujourd’hui rejoint les rangs de l’opposition. Ils sont peu nombreux, il faut le souligner, à avoir connu le sort de l’ancien ministre de la défense, Irakli Okrouachvili, qui s’est retrouvé en prison puis en exil pour avoir voulu créé un parti hostile à Micha.
Ses critiques reprochent au président géorgien sa propension à exercer un pouvoir personnel, son attitude velléitaire, ses sautes d’humeur et sa tendance à comprendre la démocratie comme la consécration de son autorité. Après les manifestations de novembre 2007, dispersées par la force après l’instauration de l’état d’urgence, M. Saakachvili s’est représenté devant les électeurs. Il a été réélu avec 52% des voix.