Moscou joue sur l’’’effet Kosovo’’ dans le Caucase

Moscou reproche aux Occidentaux d’avoir violé le droit international en reconnaissant « unilatéralement » le Kosovo. En bon joueur d’échecs, Vladimir Poutine profite donc des ouvertures qui se présentent pour avancer ses pions. Deux semaines après le sommet atlantique de Bucarest, où le rapprochement de la Géorgie avec l’OTAN a été rejeté à la demande de la France et de l’Allemagne, le président russe a enfoncé deux clous dans la chair des Géorgiens. Mercredi 16 avril, il a ordonné un resserrement de la « coopération » avec l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud, deux régions séparatistes de Géorgie, effectuant un pas de plus vers une annexion de fait de ces deux enclaves.

Depuis le 16 avril, les autorités russes sont appelées à renforcer la coopération avec l’Abkhazie et l’Ossétie du sud dans tous les domaines, culturel, économique et social. Les documents émis par les « gouvernements » abkhaze et ossète seront reconnus par l’administration russe. Des fonctionnaires russes sont appelés à épauler leurs collègues dans ces deux régions.

Officiellement, il s’agit de faciliter la vie des ressortissants russes qui y vivent mais la véritable signification est politique. Certes, Vladimir Poutine n’a pas l’intention de reconnaître l’indépendance de l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud, et il n’a pas forcément intérêt à le faire s’il veut éviter de réveiller d’autres velléités indépendantistes en Russie (Tchétchénie, Tatarstan...). L’Ossétie du sud demande plutôt son rattachement à l’Ossétie du Nord qui fait partie de la Fédération de Russie. Mais la Douma russe a demandé au gouvernement d’examiner la reconnaissance de l’Abkhazie et de l’Ossétie du sud, utilisant le précédent du Kosovo.

L’Abkhazie était une république autonome et l’Ossétie du Sud une région autonome de la république soviétique de Géorgie. Au moment de l’indépendance de cette dernière en 1991, la guerre a éclaté entre le pouvoir central et les séparatistes de ces deux régions. La population d’origine géorgienne a été expulsée d’Abkhazie dont les nouveaux dirigeants ont proclamé l’indépendance. Celle-ci n’est reconnue par personne, même pas par Moscou.

La Russie, qui a réussi à obtenir de l’ONU un mandat de maintien de la paix pour ses forces stationnées en Abkhazie et en Ossétie du Sud, traite cependant les deux régions comme de véritables colonies. A Soukhoumi, capitale de l’Abkhazie, c’est elle qui nomme les ministres. Elle distribue aussi généreusement des passeports russes aux Abkhazes et aux Ossètes.

Poutine étend son emprise sur le territoire de la Géorgie pour maintenir le gouvernement pro-occidental du président géorgien Mikhaïl Saakachvili dans l’insécurité. Il fait ainsi d’une pierre deux coups : il montre aux Géorgiens qu’ils ne peuvent guère compter sur l’aide des Occidentaux -qui ont rejeté leur demande au sommet de Bucarest- et il signifie aux Occidentaux qu’ils seraient bien avisés de ne pas accepter dans leur alliance un pays divisé, dont des morceaux de territoires sont au bord de la sécession. Le président russe ne s’inquiète guère des réactions des Etats-Unis et surtout des Européens. Il pense qu’elles se limiteront à quelques protestations verbales. Il est à craindre qu’il ait raison.