Ne pas relâcher la pression sur Téhéran

Ursula Plassnik, députée au parlement autrichien et ancienne ministre autrichienne des affaires étrangères, livre ici son avis sur la gestion par les Occidentaux du dossier nucléaire iranien.  

Une longue litanie de messages présidentiels belliqueux à l´égard d´Israël. Une série d’images de violence contre des manifestants iraniens pacifiques par les forces de l’ordre. Et un nombre de centrifugeuses nucléaires qui augmentent apparemment sans cesse. Un Iran qui fait peur, à l´extérieur comme à l´intérieur.

Le défi iranien est complexe. Tout dabord la sécurité internationale: le programme nucléaire de Téhéran est toujours plein d´obscurité et d´ambiguïté tant à sa nature qu’á son but. Contrairement à la demande de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et aux exigences du Conseil de sécurité des Nations Unies, l’Iran ne coopère toujours pas sur les questions en suspens. Dès lors, l´AIEA n´est pas en mesure de certifier le caractère purement civil et non militaire de ce programme. Avec de plus en plus de centrifugeuses, les activités denrichissement continuent de plus belle. Pour ce qui est nucléaire, le gouvernement iranien s´acharne à refuser le dialogue comme les mesures de confiance. Pourtant, nous connaissons tous les dangers immédiats et plus que dramatiques de la prolifération nucléaire ainsi que ceux dune déstabilisation régionale. </p> <p>La réponse de lEurope ne peut être autre que clartéfermeté créativité. Tout comme les jeunes Iraniens, la communauté internationale souhaite voir émerger un Iran confiant en sa grande culture et conscient de l’importante contribution qu’il pourrait apporter au monde du 21ème siècle. Mais ce ne peut être un Iran plein de méfiance, risque et dangers.

Personne ne dénie aux Iraniens leur droit á lusage non militaire de lénergie atomique. Mais ni les voisins ni les autres membres de la communauté internationale n´accepteront un Iran possédant l´arme nucléaire. Les sanctions du Conseil de sécurité des Nations Unies comprennent notamment un embargo sur les activités nucléaires comportant un risque de prolifération et sur les activités liées à la mise au point de vecteurs porteurs d’ogives nucléaires. Des mesures supplémentaires comme le gel des avoirs et des restrictions concernant les déplacements, visent également des personnes ou des entités impliquées dans les programmes nucléaires ou balistiques iraniens. La demande internationale de suspension de lenrichissement de luranium est accompagnée dune offre substantielle et constructive de négociation, y compris sur la technologie nucléaire civile de pointe ainsi que toute une gamme davantages économiques. Voilà un langage clair et sans ambigüités.

L’Europe et le Moyen- Orient sont des voisins, en termes non seulement de géographie, mais aussi de sécurité et de développement. Il ne revient pas à l’Europe - ni à quiconque - de régler les affaires iraniennes ou de choisir le gouvernement de lIran. Ceci est bien entendu du ressort des Iraniens.  Mais le respect sans faille par Téhéran des normes de la communauté internationale dont lIran fait partie - telles que la charte des droits de lhomme de lONU - est de la compétence de nous tous, citoyens du monde, iraniens et autres.

Quant à la situation actuelle : des centaines de milliers dIraniens ont dénoncé publiquement, avec beaucoup de courage civique, les irrégularités évidentes lors du scrutin présidentiel du 12 juin. Cest pourquoi l’Union européenne a demandé le 15 juin à l’Iran qu’une enquête soit réalisée sur les accusations de fraude électorale lancées par l’ensemble de l’opposition. L’UE a également condamné avec vigueur la répression brutale du mouvement de contestation. Nous considérons inacceptable la violence contre les manifestants, leur arrestation et les conditions ahurissantes de détention. Sajoutent à ce catalogue dignominies les restrictions imposées aux médias nationaux et quinternationaux. Tout ceci nest sans doute pas digne du grand peuple iranien, porteur de culture, de savoir et de potentiel humain.

La société iranienne est une société à la recherche de son identité. Les femmes iraniennes en constituent un moteur de plus en plus dynamique. Un niveau déducation jamais atteint auparavant leur permet de sengager ouvertement dans la définition de lavenir. Alors, labus de lIslam par les radicaux au pouvoir dont nous sommes témoins depuis des décennies, a entraîné ces dernières semaines une profonde réaction de rejet, en particulier justement de la part des femmes. Hélas, les autorités iraniennes ne savent pas profiter de la source de créativité et dénergie extraordinaire que sont les femmes dIran. Bien au contraire. </p> <p>Femme et citoyenne du monde, je tiens á rendre hommage aux courageuses défenseuses des droits de lhomme telles que Shirin Ebadi et Shadi Sadr. Il existe un lien inaliénable entre la paix, la justice et le respect des droits de lhomme qui sont aussi fortement les droits des femmes et des enfants. Il est donc essentiel de reconnaître aux femmes la totalité de leur droits dans lintérêt dune société stable, durable et vivante.  </p> <p>L’Iran est un pays jeune dont 60 million d’habitants ont moins de trente ans. Ces jeunes femmes et hommes sont pleins despoir, ils souhaitent contribuer pleinement á lavenir de leur pays. Une majorité croissante des Iraniens se retrouve de moins en moins dans la politique de Mahmoud Ahmadinejad. Le but de ce dernier paraît évident: tourner le dos á lavenir, exposer son pays à un isolement international toujours plus profond, éliminer tout choix dans la vie publique comme privée, et finalement transformer la République islamique en dictature islamique où lidée même de liberté aurait disparue. </p> <p>Clarté – fermeté – créativité. C´est en ces termes que devront se dérouler les relations avec lIran. Le peuple iranien serait le premier à profiter d’un changement de politique par les responsables de Téhéran, ouvrant la voie à une large coopération internationale, y compris dans le nucléaire civil, en matière économique, sur lAfghanistan, lIrak et sur la question de la sécurité régionale au Moyen-Orient. L’UE et les Etats-Unis se sont clairement engagés à poursuivre sur la voie du dialogue et de la politique de la main tendue.

Mais lIran a tout intérêt à ne pas se tromper sur la détermination de la communauté internationale: Le durcissement des sanctions, y compris à travers des mesures contraignantes mises au point par les pays de l’Union européenne en complément de celles de l’ONU, sont l’autre perspective. Un isolement de plus en plus poussé en sera le résultat. Il accroîtrait la coupure au sein de la société iranienne, déjà si évidente. </p> <p>La classe dirigeante iranienne est actuellement profondément divisée sur la voie à suivre. Cet affaiblissement du système ne rend  pas plus facile la tâche ni à lIran ni à ses partenaires internationaux. Mais gare à ceux qui, en ce moment critique, seraient tentés, par myopie politique, de croire pouvoir en bénéficier !

Le temps avance impitoyablement. Sur l`agenda international, le déblocage des discussions sur le programme nucléaire de Téhéran est prioritaire. Le secrétaire américain à la Défense a fait savoir que le président Barack Obama attendait une réponse de l’Iran sur le nucléaire « cet automne, peut-être au moment de l’Assemblée générale des Nations Unies » qui débute mi-septembre. Faute de progrès, Washington envisage sérieusement un renforcement des sanctions. L´heure est venue pour les autorités de Téhéran de prendre des décisions courageuses sur le fond des dossiers au lieu de continuer à jouer la montre.