Néocons, le retour au bercail ?

On était en train d’écrire leur nécrologie quand les néoconservateurs étaient à leur zénith. La phrase d’Irving Kristol, un des pères fondateurs de ce mouvement, né dans la gauche américaine au lendemain de la Deuxième guerre mondiale avant d’atterrir au Parti républicain de Ronald Reagan dans les années 1980 puis plus tard autour de George W. Bush, est en train de retrouver une actualité. Une nouvelle génération apparaît aux Etats-Unis.
Les anciens se sont élevés d’abord contre les conséquences sociales de la libération des mœurs mais c’est surtout sur les questions de politique étrangère qu’ils se sont distingués. Pendant la guerre froide, ils ont critiqué la détente prônée par les Realpolitiker comme Henry Kissinger accusés de mollesse vis-à-vis du communisme. Puis ils ont été les chantres de la promotion de la démocratie, y compris par la force, que le jeune George Bush – contrairement à son père George H. Bush – avait un temps placé au centre de sa stratégie.
Pendant les deux mandats de « W », surtout le premier, les néoconservateurs se sont alliés aux nationalistes du type Donald Rumsfeld ou Dick Cheney. Ils ont rempli le vide de la pensée diplomatique du successeur de Bill Clinton à la Maison blanche. Et ils ont joué un rôle essentiel dans l’aventure irakienne qui a mené à la chute de Saddam Hussein, mais qui a laissé un Irak en proie au chaos religieux.
Dans leur volonté affichée de ne pas pactiser avec les « tyrans », ils ont été rejoints par les libéraux internationalistes, c’est-à-dire des intellectuels de gauche opposés aux compromissions avec les régimes autoritaires et défenseurs de l’interventionnisme humanitaire en faveur des droits de l’homme. Certains, comme Susan Rice ou Samantha Power, se sont retrouvés dans l’administration de Barack Obama. Mais ils n’ont pas réussi à convaincre le président, tiraillé entre sa prudence naturelle, ses scrupules analytiques et son souci de rompre avec le bellicisme de son prédécesseur. Leur principal échec est certainement la décision de Barack Obama de ne pas mettre en œuvre ses menaces contre le régime syrien à l’été 2013, après l’utilisation d’armes chimiques contre les populations civiles.
Les néocons de la vieille école – les Paul Wolfowitz, Richard Perle, Eliott Abrahms, Paul Bremer —, qui portent une responsabilité déterminante dans le drame irakien actuel, sont hors jeu. Mais une nouvelle génération apparaît qui se détourne du Parti républicain de plus en plus acquis aux thèses isolationnistes du Tea Party. Elle semble miser sur la possible candidate démocrate aux élections de 2016 : Hillary Clinton. Les néo-néocons comptent sur Hilary Clinton pour redonner un élan à une diplomatie américaine plus dynamique, moins encline à peser le pour et le contre avant d’intervenir là où non seulement les intérêts américains sont directement menacés mais où les Etats-Unis sont demandés en tant que la grande puissance du monde démocratique.
Ce serait une ironie de l’Histoire de voir les néocons, souvent issus du Parti démocrate, y retourner après une longue incursion chez les Républicains.