Nouvelle donne au Proche-Orient ?

Chaque mardi, le point de vue de la rédaction de Boulevard-Extérieur sur un sujet de politique internationale

Dans le conflit israélo-palestinien, l’histoire parait bloquée, quand elle ne se répète pas. Il n’y a plus de négociations entre Israël et l’Autorité palestinienne. Le gouvernement de Benjamin Netanyahou a aggravé la politique de ses prédécesseurs visant à décrédibiliser Mahmoud Abbas pour pouvoir dire qu’il n’avait pas d’interlocuteur responsable. Les roquettes tombent à intervalles réguliers sur les villes israéliennes du sud – et maintenant jusqu’à Jérusalem, grâce aux livraisons de missiles iraniens au Hamas – et le mouvement extrémiste qui règne sur Gaza s’expose aux représailles israéliennes. L’Egypte joue les intermédiaires pour négocier une trêve avant le prochain affrontement.

Pourtant derrière cette permanence tragique, les lignes ont commencé à bouger. Pour le mieux ? On voudrait l’espérer sans trop y croire. Jeudi 29 novembre, le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas va présenter à l’Assemblée générale des Nations unies une demande d’adhésion de la Palestine en tant qu’Etat non-membre. Il lui faut une majorité des 2/3 qu’il obtiendra sans aucun doute. L’année dernière, le Conseil de sécurité a refusé à la Palestine le statut de membre à part entière à cause de l’opposition des pays occidentaux. Cette année, les Américains voteront encore contre. Quant aux Européens, ils sont divisés. La France qui a soutenu l’entrée de la Palestine à l’UNESCO, en 2011, a finalement décider d’adopter la même attitude à l’ONU. Le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, penchait pour un vote positif. François Hollande a hésité. Sur le principe, il est pour la reconnaissance d’un Etat palestinien qui marquerait un pas vers une solution à deux Etats, israélien et palestinien, vivant côte à côte, du conflit proche-oriental. Mais il craignait les conséquences négatives auprès d’Israël - ce ne serait pas une surprise - et surtout des Etats-Unis. Washington a menacé de suspendre toute aide à l’Autorité palestinienne si elle était admise à l’AG de l’ONU. A l’UNESCO, les Américains ont mis leur menace à exécution.

Quelle que soit l’attitude des uns et des autres, le vote de l’ONU va changer quelque peu la donne même s’il ne suffira pas, à lui seul, à faire progresser une solution. Comment Israël va-t-il réagir ? Un tel mouvement aura-t-il des conséquences sur les élections générales israéliennes annoncées pour fin janvier ? Après ce scrutin qui correspond avec la seconde investiture de Barack Obama, le président américain jugera-t-il le moment venu de reprendre l’initiative ? Il risque de retrouver en Benjamin Netanyahou un interlocuteur sorti renforcé des élections. Echaudé par l’échec du début de son premier mandat, il préfèrera peut-être choisir la prudence. En revanche il n’est plus freiné par des considérations électorales. Face à la communauté juive américaine, qui vote en grande majorité démocrate quoi qu’elle en ait, il a les mains plus libres et l’expérience malheureuse de Bill Clinton lui a montré qu’il ne fallait pas attendre les derniers jours au pouvoir pour tenter une véritable médiation entre Israéliens et Palestiniens.

Par rapport à 2000-2001, un des acteurs principaux de la région a disparu. Hosni Moubarak jouait les intermédiaires entre le monde arabe et les Occidentaux. Le printemps arabe a porté, contre le gré des modernistes, Mohamed Morsi au pouvoir au Caire. Issu des Frères musulmans et plus sensible aux humeurs de la rue arabe, le nouveau président égyptien doit manifester avec les Palestiniens une solidarité qui ne soit pas de pure façade. Il ne s’en méfie pas moins du Hamas, non pour des divergences idéologiques, mais pour des raisons très pratiques : il n’a nulle envie que l’activisme du Hamas ne l’entraine dans une confrontation avec Israël. Animé à la fois par ses convictions qui le rendent plus proche de la cause palestinienne et par la raison d’Etat qui l’incite à la prudence, Mohamed Morsi est peut-être mieux placé que son prédécesseur pour jouer les messieurs bons offices.

Alors que la Syrie est à feu et à sang, que le régime des mollahs iraniens, même affaiblis intérieurement, profite du conflit pour avancer ses pions dans la région, les Israéliens, les Occidentaux et les Arabes dits « modérés » auraient intérêt à apaiser le plus vieux contentieux de la région, s’ils étaient guidés par la raison. Mais l’histoire a montré qu’au Proche-Orient, la sagesse n’était pas la vertu la mieux partagée.