En 1999, l’Alliance atlantique fêtait son 50è anniversaire en pleine guerre du Kosovo. C’était la première fois que cette organisation créée au lendemain de la deuxième guerre mondiale pour faire face au camp soviétique s’engageait dans des combats. Cette année, dix ans plus tard, pour son 60è anniversaire, la guerre s’est déplacée vers l’Afghanistan où les vingt-six membres de l’OTAN, plus une quinzaine d’autres pays, combattent les talibans.
Comme en 1999, l’OTAN s’interroge sur son extension, sur son rôle et son avenir. Certains débats semblent dépassés. Les Etats-Unis, dirigés comme aujourd’hui par une administration démocrate, se méfiaient des velléités d’autonomie de l’Europe de la défense. La secrétaire d’Etat, Madeleine Albright, avait édicté la règle des trois « D » : pas de découplage, pas de duplication, pas de discrimination. Traduction : la défense européenne ne devait pas aboutir à une division de la sécurité entre les Etats-Unis et le Vieux continent ; elle ne devait pas créer des institutions qui existaient déjà dans l’OTAN ; elle ne devait pas ostraciser des pays européens n’appartenant pas à l’Union européenne (en particulier la Turquie).
Nouveau concept stratégique
L’autre controverse qui a notamment opposé la France à la majorité de ses partenaires portait sur l’élargissement du rôle et l’extension de la zone d’intervention de l’OTAN. Ce qu’on appelle le « hors zone » (out of aera). Dans les années 1990, les conflits dans l’ex-Yougoslavie ont tranché le débat, au moins pour l’Europe. Après les attentats du 11 septembre 2001, la « guerre contre le terrorisme » — le terme est banni du vocabulaire de la nouvelle administration Obama —, a tranché le débat sur les interventions hors Europe. Ces évolutions avaient été enregistrées dans le « concept stratégique » de 1999. Un nouveau « concept stratégique » devrait être adopté au sommet atlantique qui se réunira le 3 et le 4 avril à Strasbourg et à Kehl.
Quels nouveaux changements prendra-t-il en compte ? Les discussions continuent entre les alliés. Le secrétaire général propose d’élargir le champ des préoccupations de l’OTAN, en incluant les implications stratégiques et sécuritaires du changement climatique, les questions d’environnement, les attaques cybernétiques, l’approvisionnement énergétique. Un tel élargissement n’est pas contraire à la charte de l’Atlantique qui est à l’origine de l’Alliance. Surtout s’il s’agit d’avoir de simples échanges de vues sur des sujets d’intérêt commun. L’enthousiasme de certains alliés serait moins évident s’il s’agissait d’envisager des interventions directes de l’OTAN dans ces domaines.
Le « surge » promis par le président Obama en Afghanistan constituera le premier test des nouvelles relations transatlantiques. Les pays européens ne paraissent pas disposés à envoyer plus de troupes alors que les Américains envisagent une augmentation significative de leur contingent. Jaap de Hoop Scheffer a été très clair. Nous, Européens, ne pouvons pas simplement nous féliciter du changement intervenu à Washington, fermeture de Guantanamo, rapprochement sur la lutte contre le réchauffement climatique, etc., et nous dérober quand nos alliés comptent sur notre solidarité, a déclaré en substance le secrétaire général de l’OTAN.
Mutualisation
C’est à la fois une question de volonté politique et une question de capacités. Cette dernière est le serpent de mer de la politique de défense européenne. Les moyens sont limités, les budgets de la défense risquent de faire les frais de la crise économique. Peut-on faire mieux en Europe avec les mêmes ressources voire avec des ressources inférieures ? Oui, répondent les partisans de l’OTAN comme ceux de l’intégration européenne. C’est possible en « mutualisant » les capacités. Dans l’OTAN ou dans l’UE ? Question largement artificielle, puisque les forces et les matériels sont les mêmes dans les deux cas.
L’année 2009 sera cruciale pour l’OTAN. Outre son 60è anniversaire, elle devra s’adapter à une nouvelle donne à Washington, se donner un nouveau secrétaire général puisque le mandat du Néerlandais Jaap de Hoop Scheffer arrive à son terme, et trouver une « solution globale » pour imposer la paix en Afghanistan où le pouvoir central soutenu par la communauté internationale contrôle à peine la moitié du pays. La guerre contre les talibans dure « seulement » depuis huit ans, a dit le secrétaire général. Pour beaucoup d’alliés, huit ans, c’est trop, même si tout le monde est conscient que l’OTAN y joue une grande partie de son avenir.
Toutefois, la question des relations entre l’OTAN et l’UE n’est pas réglée. La coopération pratique fonctionne mais « l’impasse institutionnelle » persiste, a reconnu Jaap de Hoop Scheffer, secrétaire général de l’OTAN, dans un discours prononcé lundi 26 janvier à Bruxelles, à l’invitation d’un think tank, Security and Defense Agenda.