Obama/Sarkozy : une relation compliquée

A l’Elysée, on se méfie de Barack Obama, malgré les gestes d’amitié qui sont officiellement prodigués.

Dès le début, Nicolas Sarkozy a compris qu’il aurait affaire à forte partie. Après avoir volé la vedette à un George W. Bush en fin de parcours au moment de la guerre russo-géorgienne en août 2008, il a dû céder la vedette au nouveau président des Etats-Unis. Il aurait bien aimé rencontrer Barack Obama dès les lendemains de son élection et surtout être le seul chef d’Etat étranger à être invité à la cérémonie d’investiture. Le président de la République a fait des pieds et des mains, mobilisant l’ambassade de France à Washington et ses conseillers familiers des Etats-Unis, pour être sur les marches du Capitole. Las ! le protocole est ce qu’il est et il n’est pas dans la tradition que des dirigeants étrangers soient présents lors de l’investiture du président des Etats-Unis. Nicolas Sarkozy est resté à Paris.

Lors de la récente attribution du prix Nobel de la paix, la présidence de la République s’est fendue du communiqué attendu mais le porte-parole adjoint de l’UMP a sans doute exprimé plus justement la réaction présidentielle. Dominique Paillé a expliqué que bien d’autres personnalités politiques ayant plus œuvré pour la paix internationale auraient mérité ce prix Nobel. Et de suggérer, sans toutefois le nommer, Nicolas Sarkozy qui a mis fin à la guerre russo-géorgienne et su maîtriser la crise économique !

La méfiance n’est pas nouvelle. Il y a plusieurs mois déjà que, recevant l’éditorialiste du Washington Post Jim Hoagland, Nicolas Sarkozy s’était inquiété de savoir si Barack Obama n’était pas « un faible ». Sur le dossier iranien, Paris s’est demandé, dès la campagne électorale américaine, si le futur président ne risquait pas de rompre avec la stratégie suivie par les Occidentaux depuis cinq ans, en tendant la main aux dirigeants de Téhéran. Nicolas Sarkozy s’est toujours montré parmi les plus fermes vis-à-vis de l’Iran et le plus déterminé à empêcher ce pays de se doter de l’arme nucléaire. La suspension de l’enrichissement d’uranium lui paraît être la condition sine qua non à l’ouverture de négociations, comme les Occidentaux l’ont toujours soutenu. Les Américains, en concertation avec les Russes, semblent avoir trouvé une autre porte de sortie qui aurait été acceptée par les Iraniens lors de la rencontre de Genève, le 1er octobre 2009 : l’uranium iranien faiblement enrichi (3%) transiterait par la Russie pour être enrichi en France (20%) puis réexporté en Iran pour être utilisé à des fins médicales.

Une nouvelle rencontre doit avoir lieu cette semaine à Vienne pour préciser les modalités de ce transfert, les quantités concernées – les Etats-Unis et la France insistent pour que 1200 kg sur les 1500 kg que posséderait l’Iran soient transférés en France —, les délais et les mesures de contrôle international. Ce dernier point est crucial pour que l’Iran ne développe pas des centres d’enrichissements clandestins lui permettant de fabriquer une arme nucléaire. La France est décidée à veiller à ce que ces conditions soient scrupuleusement respectées et qu’elles ne sont pas édulcorées voire abandonnées en route par des Américains trop soucieux de renouer le dialogue avec Téhéran. La crainte est qu’en effet la crise iranienne débouche sur une négociation bilatérale entre l’Iran et les Etats-Unis – l’ambition du président Ahmadinejad – dont les autres protagonistes, notamment les Européens, seraient exclus.

Ce n’est pas un hasard si Nicolas Sarkozy s’est efforcé de développer, depuis le début de son mandat, les liens économiques et militaires avec les pays du Golfe arabo-persique qui s’inquiètent de la montée en puissance de l’Iran (et du chiisme). Plus généralement, le président de la République veut renforcer la place de la France et de l’Europe auprès des pays émergents afin de créer un réseau qui pourrait se révéler bénéfique dans un monde multipolaire. Car dans ce monde multipolaire, les relations transatlantiques risquent d’apparaître moins importantes aux yeux des Américains qu’elles ne l’étaient des dernières années et a fortiori d au temps de la guerre froide.

Cette stratégie dépasse l’inconfort dans lequel l’élection de Barack Obama a placé les Européens. Ces derniers constatent que, sur bien des sujets, le nouveau président américain est certes plus proche de leurs thèses traditionnelles de son prédécesseur mais qu’il attend plus de ses alliés. Quand ceux-ci ne répondent pas aux sollicitations ou quand les intérêts des Etats-Unis sont directement en jeu, il fait peu de cas des consultations avec ses partenaires. Voir l’Afghanistan, pour lequel la stratégie se décidera à Washington, et pas ailleurs.