Obama au Caire (3) : les ambiguïtés du discours

Au nom de la volonté de réconciliation avec le monde de l’Islam, le discours du Caire a sans doute été trop silencieux sur le thème des droits de l’homme dans le monde arabo-musulman. Et il faudra encore beaucoup d’efforts au président américain pour appliquer sur le terrain les idées énoncées au Caire.

Pour Gilles Kepel, "le discours du Caire ne contenait aucune avancée concrète, aucun plan précis à mettre en œuvre dans l’immédiat, et c’est là sans doute qu’on attend les Etats-Unis, confrontés très vite au défi que représentent les talibans en Afghanistan et au Pakistan, et pour lequel la rhétorique ne suffit pas" (source : LeMonde.fr). Par ailleurs, et toujours selon Gilles Kepel, Barack Obama a eu tendance "à trop vouloir exalter l’islam comme tel", quitte à en présenter "une image qui en fait la source de référence unique des populations de la région". Or l’identité politique, sociale, etc., des populations concernées ne se limite pas à la religion et, à l’intérieur de celles-ci, le rapport à l’Occident et à l’autre en général est beaucoup plus complexe que l’image finalement assez lénifiante qu’en a donnée le président américain. (...) Pour un esprit européen, cette espèce de "tout-islam" a un côté un peu surprenant. Car il apparaît comme assez réducteur en terme d’identités. (...) Une chose est la communication, l’autre sera la politique et la capacité d’Obama à résoudre la crise du Moyen-Orient dans ses trois aspects, au Levant, dans le Golfe et dans la zone Afghanistan-Pakistan".

Par ailleurs, Mouin Rabbani, contributeur au Middle East Report basé à Amman en Jordanie, relève que les "fondamentaux" de la politique américaine au Proche-Orient n’ont pas changé :

"The problem with this “Ctrl+Alt+Del” operation is that U.S. Middle East policy is being rebooted into the same decrepit operating system, whereas nothing short of a wholesale replacement will suffice. As President Obama’s trip and speech demonstrate, it’s the same wars, same autocratic friends and discredited allies, same strategic objective of hegemony and domination. Only the failed methods and self-defeating rhetoric are being adjusted — and not by all that much. In this respect, the president’s plea for cooperation in pursuit of common interests is — as any cold warrior will readily attest — hardly revolutionary. The devil, rather, is in the details : What kind of cooperation, and what interests ? Cooperation, in other words, with whom among the world’s 1.5 billion Muslims ?" (Source : New York Times).

Beaucoup d’observateurs constatent que le thème des droits de l’homme n’est pas très présent dans le discours de Barack Obama : "It seems that America’s human rights agenda in this region will be limited only to religious minorities and women rights", selon Bahey eldin Hassan, Directeur de l’Institut d’Etudes sur les Droits de l’Homme du Caire (source : New York Times). 

Eric Goldstein, de Human Rights Watch, souligne à son tour que Barack Obama a très peu parlé de la nécessaire démocratisation dans les pays arabes : "I think on human rights there were many things that were commendable. He was specific about settlements. He was specific about the humanitarian crisis in Gaza. But it is disappointing that when he talked about democracy in the Muslim world he wasn’t more specific about some of the problems" (source : Reuters).