Obama : élection révolutionnaire, programme centriste ?

Parce qu’il appartient à une minorité, parce qu’il est le premier afro-américain à entrer à la Maison-Blanche, Barack Obama doit plus que quiconque insister sur l’unité de l’Amérique, sur ses valeurs traditionnelles, sur la glorieuse lignée depuis les pères fondateurs, sur « l’exceptionnalisme » américain tant à l’intérieur que dans son rapport au monde.

C’est l’ambition de tous les présidents américains : unir derrière eux toute la nation. Certains y réussissent mieux que d’autres. La première élection contestée de George W. Bush avait plutôt divisé le pays en deux camps d’égale importance. L’unité nationale après les attentats du 11 septembre 2001 n’avait pas résisté longtemps au fiasco de la guerre en Irak. Et « W » a terminé son mandat avec le taux de popularité le plus bas de tous les chefs de l’exécutif américains depuis que les enquêtes d’opinion existent.

Barack Obama, 44è président des Etats-Unis n’a pas attendu d’être élu, ni même d’être le candidat du Parti démocrate pour entonner l’antienne de l’unité nationale. Lors de la Convention démocrate de 2004 qui a désigné John Kerry comme adversaire de George W. Bush, celui qui n’était alors que le jeune sénateur de l’Illinois, pratiquement inconnu de la base de son parti, avait tenu un discours rassembleur : « Il n’y a pas une Amérique libérale et une Amérique conservatrice, avait-il dit. Il n’y a pas d’Amérique noire, d’Amérique blanche, d’Amérique latine ou d’Amérique asiatique. Il n’y a que les Etats-Unis d’Amérique. Nous ne faisons qu’un. Je suis devant vous aujourd’hui pour partager avec vous mon histoire qui est l’histoire de chacun d’entre vous. »

Ce sera, à n’en pas douter, le leitmotiv de son mandat. Est-ce en contradiction avec le thème du changement qu’il a aussi martelé pendant la campagne et qui n’a pas peu contribué à sa victoire ? Barack Obama a deux arguments pour dissiper cette impression. Le premier, c’est que son élection en elle-même représente un changement fondamental. « Le changement, c’est moi », pourrait-il dire en parodiant Louis XIV. Le deuxième, c’est que s’il réussit à réconcilier l’Amérique avec elle-même, ce fait sera aussi un changement considérable par rapport aux huit années passées (sans parler de Bill Clinton, dont les turpitudes avaient également divisé l’opinion américaine)

Mais pour réussir, Barack Obama doit montrer qu’il n’est ni gauchiste, ni socialiste, ni lié au pouvoir noir, ni même « libéral » au sens d’une partie de l’intelligentsia américaine qui se recrute souvent dans les écoles qu’il a lui-même fréquentées. Par nécessité comme par tempérament, il pourrait bien mener une politique « centriste », au grand désespoir d’une frange de ses partisans. Les nominations qu’il a annoncées dans son équipe, que ce soit les membres du cabinet ou les conseillers spéciaux, vont plutôt dans ce sens. Les « clintoniens » sont surreprésentés, avec Hillary elle-même qu’il préfère sans doute avoir à l’intérieur plutôt qu’à l’extérieur du gouvernement. Le secrétaire à la défense Robert Gates, nommé par George W. Bush, est resté à son poste. Les non-conformistes semblent avoir été écartés.

Barack Obama aime s’entourer d’avis contradictoires et délibérer longuement avant de prendre une décision. Ceux qui l’ont connu étudiant à Havard disent qu’il procédait déjà ainsi quand il était président de la revue de droit de l’université. Même un républicain comme Henry Kissinger s’en inquiète. Dans un moment où les crises se multiplient, les certitudes vacillent, les vieilles méthodes sont inefficaces, les idées neuves devraient de plus en plus être à l’ordre du jour.