Le Vice-président Joseph Biden a usé de termes bien peu courants et décidément peu diplomatiques en déclarant « je condamne cette décision » après l’annonce, par Israël, d’un projet de construction de 1 600 nouveaux logements dans le quartier juif de Jérusalem Est.
On comprend que l’administration Obama soit furieuse. M. Biden s’était rendu en Israël pour travailler à la relance des pourparlers de paix israélo-palestiniens. Sa « sortie » survenait après une journée durant laquelle il n’avait cessé d’assurer l’attachement « absolu, total et sans fard » des Etats-Unis à la sécurité d’Israël. On a dit que le Premier ministre Benjamin Netanyahou avait été abasourdi par l’annonce du ministère israélien de l’Intérieur, dirigé par le leader d’extrême droite du parti Shass. ll n’a pas pour autant désavoué le projet. Et il est difficile de ne pas voir en cette concomitance une gifle administrée à Washington.
Il y avait des supputations contradictoires sur le fait de savoir si le Président palestinien, Mahmoud Abbas, poursuivra les « négociations de proximité », pour lesquelles George Mitchell, l’émissaire américain au Moyen-Orient, est censé devoir faire la navette entre Jérusalem et la Cisjordanie, dans l’espoir de faire progresser les négociations directes pour la solution de deux Etats. M Abbas serait décidé à continuer les entretiens.
Le Président Obama s’est sérieusement fourvoyé l’an dernier en insistant pour qu’Israël impose un arrêt complet de toute construction nouvelle, uniquement pour susciter le refus de M. Netanhyaou . L’objectif était – et reste – juste. Les Palestiniens redoutent à bon droit que plus Israël construira en Cisjordanie ou à Jérusalem-Est, moins il leur sera possible de négocier la récupération des territoires. Un gel de la colonisation relancerait très sérieusement les négociations.
Mais l’une des règles fondamentales de la diplomatie est que les présidents américains n’insistent jamais publiquement sur des choses qu’ils ne sont pas certains de pouvoir obtenir – du moins sans avoir un plan de rechange. Lorsque M. Netanhyaou a finalement décidé que le gel des constructions n’excéderait pas dix mois, et qu’il ne concernerait pas Jérusalem, les Palestiniens se sont sentis tellement floués que la tentative de paix a échoué . Il faut noter que MM. Obama et Mitchell n’ont pas non plus réussi à convaincre les leaders arabes de faire un geste en faveur d’Israël en échange d’un accord sur ce gel immobilier des constructions.
L’administration Obama a travaillé dur pour convaincre M. Abbas de reprendre les pourparlers, et lui faire valoir qu’un nouveau blocage ne serait pas de l’intérêt des Palestiniens. Elle a fait également de notables progrès avec les dirigeants arabes, les convaincant d’approuver la base de négociation américaine — donnant ainsi à M. Abbas la couverture politique nécessaire. Les signes laissant entendre que les Arabes pourraient reconsidérer leur soutien sont inquiétants.
M. Mitchell devra poursuivre sa tâche tous azimuts pour faire avancer l’entreprise de paix. Il doit continuer à faire pression sur Israël sur le chapitre des colonies. Et si Israël doit faire de réelles concessions, cela nécessitera plus que des gestes de la part des Etats arabes. M. Biden a dit mercredi [10 mars] que l’administration [américaine] tiendrait les Israéliens, comme les Palestiniens, pour « responsables de tous les propos ou actions qui pourraient enflammer les tensions ou compromettre l’issue des négociations ». Ce serait un point de départ très important. Nous souhaitons également que si les progrès devaient tarder à se manifester, l’administration soit prête à présenter ses propres propositions sur les questions fondamentales des frontières, des réfugiés, de la sécurité et de l’avenir de Jérusalem. M. Obama dispose d’une nouvelle chance de faire progresser le processus de paix. Et cette fois « he has to get it right ».