Fascinés et envieux à la fois envers la Turquie, choisie par le Président Obama pour s’adresser au monde musulman, les éditorialistes de la région se sont attardés autant sur le lieu que sur le contenu du discours du nouveau président américain. « La Turquie, devenue l’une des principales puissances musulmanes dans le monde, a réussi à développer une expérience démocratique et de croissance unique en son genre en réalisant un modèle de coexistence entre les trois côtés du triangle laïc, islamique et démocratique sur la base d’un développement économique solide, » résume l’éditorial du quotidien londonien Al-Qods al-arabi.
Le choix de la Turquie
Toujours prompts aux lamentations, nombre de commentateurs arabes qui s’inclinent devant le choix si logique de l’allié turc de Washington, relèvent dans le même temps combien le monde arabe a perdu de son influence. « Oui c’est la Turquie et non l’Arabie Saoudite ou l’Egypte, que Barack Obama a considéré comme la porte d’entrée du monde musulman » réagit un internaute sur le site d’Al-Jazira, « l’allié de l’Occident qui regarde avec audace vers l’Orient. C’est un signe de mort pour la nation arabe débordée par les trois puissances régionales : l’Iran, Israël et la Turquie. » Les vieux habitués de la surenchère arabiste, tels Talal Salman, directeur du quotidien libanais As-Safir, ne cachent pas leur dépit en reprochant à Obama d’avoir choisi « ceux qui ont renié leur identité », selon le titre de son éditorial. « Ainsi, c’est la Turquie qui est considérée comme le cœur de l’Orient et de l’Islam, plutôt qu’un pays arabe comme l’Egypte, au poids historique, politique et démographique plus important ou l’Arabie Saoudite plus riche de pétrole et de lieux saints de l’Islam ». Salman qui reproche aussi aux Arabes de voir en Obama un « sauveur ».
De bonnes dispositions à suivre
Il est vrai que « le nouveau vocabulaire américain » de ce « président charismatique » selon l’universitaire égyptien Amr Hamzaoui dans le quotidien londonien Al-Hayat séduit la majorité des observateurs. Il est vrai aussi, comme le souligne le « Dawn daily » pakistanais « qu’après l’ère Bush où les relations entre les Etats-Unis et le monde musulman ont atteint le fond » que les réactions au discours d’Obama ne peuvent être que positives.
Le monde arabo-musulman a été clairement sensible à « la main tendue » d’Obama. Ses positions pour la solution des deux Etats au Proche-Orient, le retrait d’Irak et le dialogue avec l’Iran, sont les trois promesses retenues par la majorité des commentateurs. Mais « encore faut-il que ces belles paroles se traduisent par des gestes » écrit l’éditorialiste d’Al-Qods en rappelant que Bush aussi s’était engagé pour un Etat palestinien viable et demandant « quelles initiatives pratiques seront-elles prises ? »
L’opinion arabe reste sur ses gardes, comme par peur d’espérer. Ainsi le site d’information Elaph qui a lancé un sondage sur Obama et l’Iran : 58% des quelques 3000 internautes participants, ont considéré que ses déclarations n’étaient qu’un « nouveau langage diplomatique ». Une proportion relativement importante croit à la sincérité du discours en comparaison au passé, note le commentateur du site, car « c’est bien la première fois depuis plus de 30 ans qu’un dirigeant américain parle sur ce ton de l’Iran ».
Côté iranien, la circonspection est de mise et on ne veut pas lâcher du lest trop tôt. Même le candidat réformateur, Mir Hussein Moussawi, concurrent d’Ahmadinejad pour la présidentielle de juin, a affirmé, repris par Tehran Times, que » tout dialogue avec Washington devait être conditionné au droit de l’Iran à acquérir la technologie nucléaire » dès lors que l’Iran a signé les traités de non-prolifération. Moussawi qui dit tout de même « enregistrer les nouvelles dispositions américaines en attendant les prochaines étapes ».