Obama, l’écouteur universel

Barack Obama arrive à la fin de ses premiers cents jours à la Maison-Blanche. Les premiers enseignements peuvent être tirés sur sa manière d’aborder la politique étrangère.

Le 44è président des Etats-Unis a fait plusieurs sorties à l’étranger, en Europe, en Turquie, au Canada, en Amérique latine. Il s’apprête à recevoir les protagonistes du drame proche-oriental. Ce qui ressort de son comportement est une grande aptitude d’écoute. Barack Obama est attentif aux messages de ses interlocuteurs. Peut-être est-ce la conséquence d’une certaine inexpérience en matière internationale. S’il connaît un peu plus le monde extérieur que son prédécesseur quand celui-ci est arrivé au pouvoir, il ne s’était pas montré d’une très grande assiduité à la sous-commission des affaires européennes dont il était le membre quand il était sénateur. Dans ce cas, cette modestie est tout à son honneur. Peut-être est-ce aussi une façon d’être, une volonté de rompre avec les pratiques unilatérales de l’administration républicaine qui agaçaient beaucoup alliés et adversaires, un moyen de renverser la charge de la preuve et de donner aux interlocuteurs la satisfaction de croire que leur avis l’a emporté.

Barack Obama est prêt à écouter tout le monde et à parler avec tout le monde. Y compris avec des pays que George W. Bush avait classés dans « l’axe du Mal ». Il a renoué directement ou indirectement la Syrie, avec l’Iran, avec le Venezuela voire avec Cuba. On ne serait pas étonné d’apprendre dans quelque temps que les Américains parlent non pas avec le Hamas, mais "avec des gens qui parlent avec le Hamas", selon la litote de Bernard Kouchner. Le changement de cap de la diplomatie américaine n’est peut-être pas aussi spectaculaire que les plus chauds partisans d’Obama s’y attendaient. Les petites ruptures sont en tous cas indiscutables.

Une des manières traditionnelles de la diplomatie américaine est de retour. Elle avait été bien décrite par Strobe Talbott, un ancien correspondant du magazine Time à Moscou et un ancien de l’administration démocrate du temps de Bill Clinton. Il dirige aujourd’hui la Brookings Institution à Washington : « la grandeur des Etats-Unis, disait-il en 1998, se définit en termes de capacité à travailler avec les autres dans l’intérêt de la communauté internationale toute entière. » Barack Obama veut travailler avec les autres, et si possible avec tous les autres.

Toutefois ce serait une erreur de croire qu’écouter signifie être d’accord et encore moins suivre. Si le président des Etats-Unis veut travailler avec les autres, c’est pour amener les autres à travailler avec lui et les convaincre du bien-fondé des positions américaines. Des positions qui ne sont certes pas définies a priori et que les autres n’auraient qu’à prendre ou laisser, mais des positions, qui une fois qu’elles auront été au mieux concertées, au pire exposées, s’imposeront.

C’est encore Strobe Talbott, émissaire du département d’Etat en 1998, qui expliquait le sens d’une de ses tournées en Europe. Il y était venu, disait-il, pour vérifier que les Européens étaient d’accord avec la politique de Bill Clinton. "Si tel est le cas, ajoutait-il en substance, ils n’ont qu’à la soutenir. S’ils ne sont pas d’accord, alors les Etats-Unis agiront sans eux".

Cette politique est tellement cohérente avec la tradition américaine que Barack Obama reçoit des satisfecit même des républicains et du plus prestigieux de leur penseur en politique étrangère, Henry Kissinger. Dans un article publié la semaine dernière par l’International Herald Tribune, l’ancien conseiller de Nixon et ancien secrétaire d’Etat, ne trouve rien à redire aux initiatives prises ou annoncées par le nouveau président. Il le crédite même d’une vision en politique étrangère. Mais il ne suffit pas d’écouter les autres, de multiplier les contacts, ni même de savoir ce qu’on veut, encore faut-il avoir une stratégie diplomatique qui permette de lier différentes composantes apparemment distinctes mais en réalité interconnectées. C’est ce qu’on attend maintenant de Barack Obama.