Un espoir de paix est né dans la guerre qui oppose dans la province du Nord-Kivu, en RDC, les rebelles hutus de Laurent Nkunda, soutenus à l’origine par le Rwanda, et les forces armées congolaises. Cette guerre a fait déjà des centaines de milliers de victimes et plus de 1,5 million de personnes déplacées. Le renversement d’alliance qui a permis un accord entre le Rwanda et la RDC, le 20 janvier, est-il durable ?
Après les durs affrontements de l’automne dernier, des réunions bilatérales entre représentants rwandais et congolais ont eu lieu en dehors de toute présence internationale. C’était une première et c’était bien ainsi. Les ministres des affaires étrangères et des éléments proches du pouvoir dans les deux pays y ont participé. Ils se sont rendu compte qu’il n’y avait pas d’autre solution qu’une entente. Cette entente directe rend la solution plus authentique car les deux parties ne peuvent pas utiliser les intermédiaires comme prétexte à l’absence de progrès. C’est une prise de conscience bienvenue.
Les conséquences sont-elles déjà sensibles sur le terrain ?
A la conférence sur la région des Grands lacs qui vient de se tenir à Addis Abeba, les deux ministres se sont jetés des fleurs. On n’avait jamais vu ça mais la situation est fragile. Pour le Congo, la décision de laisser entrer des troupes rwandaises dans le pays a été difficile à prendre. C’est une décision courageuse. Au temps du génocide, il y a avait des liens entre le régime de Mobutu et le pouvoir hutu à Kigali. La communauté internationale a ensuite poussé la RDC à accueillir des réfugiés hutus chassés par le pouvoir tutsi. Ils se sont retrouvés dans des camps d’où ils ont lancé des attaques contre le Rwanda. Les Hutus restent une menace pour ce pays mais ils sont aussi une menace pour la RDC car ils contrôlent les richesses naturelles de la province et sont un véritable Etat dans l’Etat.
Certains observateurs craignent que les populations locales soient victimes des « dommages collatéraux » provoqués par l’entente entre Kigali et Kinshasa. Partagez-vous cette crainte ?
C’est en effet la crainte principale. La Monuc fait face au défi d’assurer la protection, dans un espace très difficile, des populations prises entre deux feux et exposées aux représailles de miliciens dont la discipline n’est pas la qualité première.
Faut-il une augmentation des forces de la Monuc ?
Nous avons entre six et sept mille hommes au Nord-Kivu. C’est peu mais il faudrait trouver des forces supplémentaires et avoir la logistique pour les déployer sur place. Qui les donnera ?
Les forces armées congolaises peuvent-elles devenir une armée disciplinée et structurée ?
Voilà quatre ou cinq ans, la RDC était à feu et à sang. Aujourd’hui, elle paie en quelque sorte les « conséquences de la paix ». Les anciennes milices ont été en partie intégrées dans les forces officielles mais dans les moments difficiles elles redeviennent des milices. Si la situation se décante au Nord-Kivu, on pourra se tourner vers les réformes de structures, avec l’aide de pays étrangers, comme on l’a fait en Sierra Leone et au Liberia. Mais ce sont des petits pays. La RDC, elle, est vaste comme l’Europe de l’Ouest. Pour réformer une armée de plus de cent mille hommes, il faut dix ans.
Vous avez dit que la décision de Kinshasa de trouver un accord avec Kigali était « courageuse ». Tout le monde politique congolais n’est pas d’accord avec cette décision ?
En effet. Certains, tenants de la théorie du complot, craignent que le Rwanda n’annexe l’est et le nord-est du Congo. Mais la situation sur le terrain est plutôt calme. Les soldats rwandais sont entrés à pied, sans armement lourd. Ils sont disciplinés. Ils paient leur nourriture. Aucune exaction n’a été constatée. Les inquiétudes se sont apaisées.
Que pensez-vous du plan pour le Kivu proposé par le président Nicolas Sarkozy ?
Est-ce un plan ou l’annonce d’un plan ? La proposition d’exploiter en commun entre le Rwanda et la RDC les richesses du Nord-Kivu a suscité des craintes à Kinshasa. Plutôt qu’une société mixte, peut-être faudrait-il mieux travailler à créer une dynamique économique commune dont profiteraient les deux pays, sans porter atteinte à l’unité et à la souveraineté de la RDC. Dans un premier temps, la Monuc doit avoir un mandat renforcé pour contrôler les exportations illégales des richesses naturelles, non seulement au point de départ, car il faut être réaliste, mais aussi chez les clients car dans les pays développés qui sont utilisateurs des matières premières il est plus facile de suivre la trace des importations.