Pour convaincre les électeurs de l’importance du Parlement européen, nombreux sont ceux qui soulignent le poids de la législation européenne dans la vie politique des Etats membres. Une forte proportion de lois adoptées par le Parlement français n’est, disent-ils, que la transposition de directives ou de règlements votés au préalable par le Parlement européen. Certains s’inquiètent de la suprématie des institutions européennes au détriment des souverainetés nationales. D’autres se réjouissent de la progression d’une Europe politique qui se donne de plus en plus de règles communes. Qu’ils l’approuvent ou la dénoncent, les uns et les autres mettent en évidence l’importance croissante des eurodéputés.
A l’extrême droite comme dans la gauche radicale, on affirme que 80 % des lois françaises est d’origine européenne. A l’UMP on parle de 60 %. L’une des principales voix discordantes est celle de l’ancien député européen Jean-Louis Bourlanges, qui soutient au contraire que « 90 % des politiques » demeurent nationales et que dans beaucoup de secteurs « l’essentiel du pouvoir reste dans les Etats ».
On est loin de la domination supposée de la législation communautaire. Mais cette moyenne dissimule de forts contrastes. Il est probable qu’en matière économique une grande partie de la législation française vient de Bruxelles puisque l’économie est au centre des compétences européennes.
Dans tous les domaines qui sont du ressort exclusif de l’UE, c’est-à-dire, pour l’essentiel, l’organisation du marché intérieur, appuyée sur la politique de concurrence et, depuis le traité de Maastricht, la politique monétaire, il est clair que la législation a pour source l’Union européenne. Encore faut-il préciser que les Etats membres sont étroitement associés à l’adoption des lois et que celles-ci ne leur sont pas imposées, contre leur gré, par Bruxelles. Dans d’autres matières, dites de compétences partagées, comme l’environnement ou la protection des consommateurs, les règles nationales relèvent également, pour une large part, des normes européennes.
En revanche, l’UE intervient peu dans de nombreux domaines où la responsabilité principale incombe aux Etats membres. Que l’on songe aux grands débats qui agitent les Français, tels que la réforme de l’Université, celle de l’hôpital, le bouclier fiscal, le travail dominical ou le pouvoir d’achat, ces questions ne mettent pas en cause les politiques européennes.
On notera aussi que ni l’éducation ni la protection sociale ni les salaires ne sont l’objet de lois européennes, que le système judiciaire ne subit qu’à la marge l’influence de Bruxelles, que la politique budgétaire elle-même n’est que partiellement dépendante de Bruxelles à travers les contraintes du pacte de stabilité. Quant à la loi Création et Internet, qui suscite tant de polémiques en France, elle a été élaborée indépendamment de l’UE, même si le Parlement européen tente aujourd’hui de bloquer l’une de ses dispositions.
Ajoutons que dans bien des cas, notamment en matière de droit du travail, les lois européennes fixent des normes minimales qui sont en France déjà largement respectées, de sorte que la législation européenne ne saurait avoir d’effets réels sur le droit français.
Bref, s’il est vrai que l’UE, en choisissant de mettre fin aux monopoles des grands services publics au nom de la libéralisation et de s’inscrire dans le vaste mouvement du libre échange international au nom de la mondialisation, a orienté les politiques nationales, il est encore de nombreux pans de l’action publique qu’elle n’affecte qu’indirectement ou même qu’elle ne touche pas du tout, faute d’une volonté politique commune des Vingt-sept.