Pékin met en garde Washington contre le risque d’une « confrontation » : les raisons de l’escalade

La rivalité entre la Chine et les Etats-Unis est l’une des clés du nouvel ordre mondial. Dans sa chronique Géopolitique diffusée le 8 mars sur France Inter, Pierre Haski analyse l’état des relations entre les deux grandes puissances au moment où Xi Jinping est réélu pour un troisième mandat à la tête de l’Etat chinois. Le chef de la diplomatie chinoise Qin Gang, rappelle-t-il, a lancé mardi 7 mars une sévère mise en garde aux États-Unis, signe d’une escalade qui se poursuit après l’échec d’une tentative de dialogue. Les sujets de friction ne manquent pas, et le contexte intérieur de chaque pays rend la désescalade difficile.

Congrès du Parti Communiste Chinois
al3omk.com /Andy Wong/AP

Comment arrêter une escalade, verbale, diplomatique, politique…, avant qu’elle ne conduise à quelque chose de plus grave ? Ce qui se passe entre les États-Unis et la Chine prend chaque semaine un peu plus d’ampleur, devient plus menaçant s’agissant des deux premières puissances économiques et militaires mondiales.
Le nouveau ministre chinois des Affaires étrangères, Qin Gang, a fait une entrée remarquée sur la scène diplomatique lors d’une conférence de presse, en marge de la session parlementaire à Pékin qui devait reconduire Xi Jinping à la tête de l’État. Qin Gang était précédemment ambassadeur à Washington, il connaît donc bien le monde américain auquel il a réservé une mise en garde menaçante.
« Si les États-Unis ne freinent pas, a-t-il dit, mais continuent à accélérer dans la mauvaise direction, aucun garde-fou n’empêchera un déraillement, et il y aura sûrement conflit et confrontation ». Fin de citation. C’est la première fois que Pékin agite de manière aussi explicite le risque de confrontation. Lundi 6 mars, c’est Xi Jinping qui dénonçait l’« endiguement » américain de la Chine, reprenant un mot issu de la guerre froide.
Il faut comprendre le contexte. En novembre dernier, Joe Biden et Xi Jinping s’étaient rencontrés à Bali, en marge du G20, et avaient décidé d’un processus de discussion pour apprendre à gérer leurs désaccords.
Mais la crise des ballons au-dessus des États-Unis le mois dernier a tout fait capoter. La visite à Pékin du Secrétaire d’État Anthony Blinken a été annulée, et le ton ne cesse de monter. Une fenêtre de déconfliction a sans doute été ratée, et risque de ne pas réapparaître avant longtemps. Il va donc falloir gérer le risque et surtout le sentiment à Pékin que rien ne pourra désormais détourner Washington de son obsession chinoise.
Cela permet évidemment à Xi Jinping, en ces temps incertains, de souder l’appareil du Parti face à l’ennemi commun ; mais les sujets de conflit sont réellement nombreux entre les deux géants : le sort de Taïwan, la liberté de navigation en mer de Chine méridionale, ou la guerre technologique ; il faut y ajouter de plus en plus la guerre en Ukraine et la question des liens Pékin-Moscou, devenue centrale.
La déclaration du chef de la diplomatie chinoise était un peu la réponse aux mises en garde américaines, la semaine dernière, contre d’éventuelles livraisons d’armes chinoises à la Russie. Hier, Qin Gang a vanté les relations russo-chinoises, parlant de « confiance stratégique » ; mais il n’a rien dit d’un soutien militaire à la Russie dont on voit bien qu’il constitue un point de non-retour pour Washington.
Les relations sino-américaines vont être soumises à rude épreuve dans les prochains mois. En avril, la présidente de Taiwan, Tsai Ing-wen, fera une escale aux États-Unis, un chiffon rouge pour la Chine.
Mais surtout, on voit bien que le sujet chinois va s’imposer dans la campagne pour l’élection de novembre 2024 aux États-Unis. Donald Trump a déclaré cette semaine qu’il était le seul à pouvoir éviter la troisième guerre mondiale. Une surenchère qui empêche toute désescalade de l’administration, face à une Chine qui a, elle aussi, ses tensions internes. Attention, danger !