Petit espoir de négociation russo-ukrainienne

L’actualité internationale est dominée, depuis plus de deux ans, par la question ukrainienne. L’agression russe contre l’Ukraine continue et rien ne permet de deviner quand ce conflit prendra fin. Que veut vraiment Poutine et quelle sorte d’arrangement serait-il prêt à accepter pour envisager la cessation des hostilités sur le terrain ? Pour le moment, on en est réduit à des spéculations. Comme le disait dans Le Monde, il y a quelques semaines, le président finlandais Alexander Stubb, « j’ai cessé d’essayer de comprendre ce que la Russie va faire car la plupart du temps nos pronostics sont faux ». Le président russe a-t-il la moindre intention de négocier avec Kiev et, si c’est le cas, en quels termes ? C’est toute la question. Personne n’a la réponse, sauf Poutine lui-même, et encore il n’est pas sûr qu’il sache exactement ce qu’il attend de la continuation de la guerre.

Il y a deux mois, le chef du Kremlin a déclaré que le gouvernement russe était prêt à engager des négociations de paix avec l’Ukraine, à tout moment et en tout lieu. Il a aussitôt ajouté que si Kiev posait pour préalable le retrait des forces russes d’Ukraine, avant même l’ouverture d’éventuels pourparlers, ceux-ci n’auraient jamais lieu. Le président russe a critiqué ceux qui jugent « irréaliste » la position de Moscou alors qu’ils ne portent pas le même jugement sur « l’ultimatum » de Kiev. Il a enfin souligné que ses conditions pourraient changer en fonction de la situation sur le champ de bataille. Quelques jours plus tôt, il avait précisé que l’Ukraine devait retirer ses troupes de quatre régions (Donetsk, Lougansk, Kherson, Zaporijjia) et renoncer à adhérer à l’OTAN pour que cessent les combats. Si Kiev obtempère, ajoutait-il, « nous donnerons immédiatement, à la minute même, l’ordre de cesser le feu et d’entamer des négociations ».

Vers un nouveau sommet de la paix ?

Du côté ukrainien, comme l’a montré le récent sommet pour la paix qui s’est tenu à Genève sans la Russie, on maintient une position de fermeté, excluant toute concession. Volodymyr Zelensky réclame notamment la restauration de la frontière russo-ukrainienne d’avant 2014, autrement dit d’avant l’annexion de la Crimée et des régions du Dombass par la Russie, ainsi que la libération des prisonniers de guerre et le retour des enfants déportés, la constitution d’un tribunal pour juger les crimes de guerre, des garanties de sécurité pour les infrastructures nucléaires et énergétiques. Les exigences des uns et des autres restent donc aussi éloignées que possible. Comment débloquer les relations entre les deux camps pour ouvrir une négociation ? « Nous devons distinguer un éventuel processus de discussion, qui n’est pas une fin en soi, et la paix », estime le président finlandais, qui ajoute que la Russie doit retirer ses troupes d’Ukraine mais que ce retrait ne doit pas être considéré « comme une précondition ».
L’urgence est désormais de trouver les voies du dialogue avec la Russie, en y associant d’autres pays qui pourraient jouer un rôle dans le retour à la paix. Selon Alexander Stubb, « le principe de réalité veut que si vous voulez impliquer la Chine et les pays du Sud global, la Russie doit être impliquée aussi ». Le président ukrainien a paru sensible à cette préoccupation puisqu’il a proposé un nouveau sommet de la paix auquel participerait la Russie. En réponse à une journaliste ukrainienne qui l’interrogeait sur la pertinence d‘un nouveau sommet, il a déclaré « Je pense que des représentants russes devraient s’y rendre ». Commentaire du Monde : « Pour la première fois depuis l’échec de pourparlers au printemps 2022, Volodymyr Zelensky ouvre la porte à des négociations directes avec Moscou, sans poser comme condition préalable le départ des forces d’occupation russes du territoire ukrainien ».
Cette inflexion de la position ukrainienne ouvre des perspectives encourageantes, même si Poutine n’a pas saisi la main tendue par Kiev. Son porte-parole a redit que la Russie est toujours ouverte au dialogue, « à condition de comprendre de quoi nous parlons ». Cette réaction ambiguë doit être accueillie avec prudence mais elle peut être le commencement d’un dégel. Poutine, dont l’offensive en Ukraine a eu pour principal effet d’unifier l’Union européenne et de provoquer l’élargissement de l’OTAN, doit s’interroger sur les effets de sa politique. Il est possible qu’il soit à la recherche d’une porte de sortie. En attendant, il importe que les Occidentaux ne baissent pas la garde et qu’ils continuent de renforcer leur soutien à l’Ukraine. Les Européens, pour leur part, doivent travailler, plus que jamais, à la mise en place d’une défense européenne alors même que la position américaine reste incertaine à l’approche de l’élection présidentielle de novembre prochain. La paix en Ukraine n’est pas pour demain mais l’espoir d’une négociation commence à se lever.
Thomas Ferenczi