Pierre Lellouche, une carrière hors normes

Pierre Lellouche vient d’être officiellement nommé représentant du président de Nicolas Sarkozy dans le groupe de contact international sur l’Afghanistan et le Pakistan, dirigé par l’Américain Richard Holbrooke.

Le député du VIIIè arrondissement a enfin un bureau au Quai d’Orsay où son CV aurait pu le conduire depuis longtemps. Cet enfant terrible a commencé sa vie politique comme conseiller auprès de Jacques Chirac à l’époque où ce dernier était maire de Paris, avant de rejoindre la Sarkozie. Il est passé à plusieurs reprises près de postes de responsabilité dans le domaine de la politique internationale qui est sa spécialité mais ses espoirs avaient toujours été déçus. Au dernier moment, les postes qu’il convoitait lui avaient été refusés par ses mentors peut-être parce qu’un des principaux défauts – qui peut être aussi une qualité – est que Pierre Lellouche est incontrôlable. Après la victoire de Jacques Chirac en 1995, il se préparait à assumer des responsabilités au ministère de la défense. Las ! Quelques jours avant la formation du gouvernement Juppé, Pierre Lellouche avait eu l’idée saugrenue de critiquer, dans un entretien à Libération, le Rafale et le char Leclerc. Sur le fond, il avait certainement raison mais il était politiquement incorrect de mettre en cause deux fleurons de l’industrie militaire française.

Pendant la campagne pour l’élection présidentielle de 2007, il avait suggéré à Nicolas Sarkozy de créer à l’Elysée un Conseil national de sécurité. Nicolas Sarkozy a envisagé la création de ce conseil, sur le modèle du National Security Council américain, pour coordonner toutes les questions de politique extérieure, de défense et de sécurité. Pierre Lellouche se serait bien vu à sa tête mais l’initiative s’est heurtée à l’opposition conjuguée du ministère des affaires étrangères et du conseiller diplomatique du président.

Diplômé de Harvard, avocat, ancien directeur adjoint de l’Ifri, l’Institut français des relations internationales (IFRI), Pierre Lellouche a commencé sa carrière politique en battant Dominique Strauss-Kahn à Sarcelles, aux législatives de 1993. Enfant d’un artisan juif tunisien, il se présente comme un pur produit de l’éducation républicaine. Président de la délégation française à l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, il a organisé deux visites de Nicolas Sarkozy à la Maison blanche du temps de George W. Bush, usant de ses bonnes relations avec des responsables américains des questions de défense. Ces relations lui ont valu la réputation de « néoconservateur ». Et il est vrai que ses amitiés atlantistes, son engagement en faveur d’Israël, ses positions critiques vis-à-vis des régimes autoritaires le rapprochaient des néoconservateurs américains.

L’année dernière, il a mené, avec le député socialiste François Lamy, un proche de Martine Aubry, une mission parlementaire en Afghanistan. Il en était revenu extrêmement sévère pour la stratégie menée par les Occidentaux. « On a réussi, déclara-t-il, à créer en Afghanistan le premier narco-Etat de la planète, financé par les contribuables de l’OTAN. »

Dans le groupe de contact sur « l’Afpak », selon la terminologie désormais en usage à Washington pour signifier que la question de l’Afghanistan est indissociable de la situation au Pakistan voisin, il retrouve en Richard Holbrooke un interlocuteur américain connu lui aussi pour ses déclarations à l’emporte-pièce.