« Ce qui m’inquiète le plus, c’est la tendance à la renationalisation des politiques de relance en Europe depuis janvier », a déclaré tout récemment François Fillon au Monde. Opposant implicitement l’action de la présidence française de l’UE (second semestre de 2008) à celle de la présidence tchèque, qui lui a succédé au premier semestre de 2009, le premier ministre affirme que cette tendance ne se manifeste que depuis janvier.
Toutefois la distinction entre les deux périodes est assez factice. Les réticences de la plupart des gouvernements face à l’adoption de politiques communes se sont manifestées dès que les premières difficultés sont apparues. L’Europe, une fois de plus, comme le note François Fillon, a réagi aux menaces de récession en ordre dispersé, malgré l’activisme de Nicolas Sarkozy.
Celui-ci a eu sans doute le mérite, lorsqu’il exerçait la présidence de l’UE, de tenter d’organiser une riposte collective, mais la diversité des intérêts nationaux n’a pas permis à l’Europe de se doter d’une stratégie concertée. L’économiste Daniel Cohen n’hésite pas à parler de la coopération européenne comme d’un « champ de ruines ».
Le plan français, on le sait, est centré, pour l’essentiel, sur l’investissement et l’aide aux entreprises, le plan allemand privilégie les grands travaux d’infrastructure, le plan britannique a pour moteur la baisse de la TVA. Chaque pays a retenu les solutions jugées conformes à ses besoins propres plus qu’à ceux de l’Europe tout entière.
On objectera que les intérêts de l’Union ne sont, après tout, que la somme de ceux des Etats membres. Sans doute. Mais, outre les effets de synergie qu’on serait en droit d’attendre de politiques concertées à l’échelle européenne, le risque du « chacun pour soi » est de porter atteinte, à terme, aux règles communes mises en œuvre depuis plusieurs décennies en application des traités.
« La coordination des politiques économiques représente un engagement politique majeur dans le processus historique de la construction européenne », estimaient en 2007 deux sénateurs français, Joël Bourdin et Yvon Collin, dans un rapport détaillé sur le sujet. « Dans les faits, ajoutaient-ils, cet engagement n’a pas été tenu ». Selon les deux élus, cette « formidable faillite politique » comportait « un risque mortel pour l’Europe ».
On n’en est pas là. Mais les tentations protectionnistes qui s’expriment ici ou là montrent que les fondements même de l’Union européenne sont remis en question par une partie des opinions publiques au nom de la sauvegarde de l’emploi. Ce que soulignent ces contestations, c’est que l’UE n’est encore aujourd’hui ni assez solide ni assez légitime pour imposer sa loi quand les intérêts fondamentaux des Etats sont en jeu. Ce n’est pas une révélation. C’est au moins un rappel des limites de l’Union telle qu’elle fonctionne après un demi-siècle d’existence. C’est aussi, pour ceux qui ne se contentent pas de cette situation, une invitation à renforcer davantage les liens entre les Etats membres.