Si nous voulons un Euro fort et stable, nous devons être prêts à faire de nouveaux pas vers l’intégration de la zone euro. Par exemple, la création d’un Fonds monétaire européen aurait un sens. La Grèce est sans aucun doute à un tournant décisif, ces jours-ci. Pour la première fois, les ministres des finances de la zone euro ont mis sous une surveillance stricte la politique économique et financière d’un Etat membre, de concert avec la Commission européenne, la BCE et le FMI.
Selon les récentes résolutions de l’UE, le gouvernement grec doit mettre en œuvre des mesures décisives pour un avenir meilleur. Il doit rapidement réduire le déficit public et résoudre les problèmes qui ont leur origine dans le pays lui-même. Mon impression est que le gouvernement grec et mon collègue Georges Papaconstantinou se sont attelés à cette tâche avec sérieux.
Le cas de la Grèce nous invite à tirer des leçons pour l’Union monétaire. Nous devrons discuter à fond avec nos partenaires de la zone euro comment nous pouvons utiliser de manière plus efficace les instruments, les règles et les procédures de politique économique et financière existants et comment nous pouvons les améliorer. Mes réflexions – que ce soit bien clair – ne visent en aucune façon la situation actuelle et les mesures concrètes pour la stabilisation de la situation en Grèce. Elles ne concernent pas non plus la discussion actuelle sur un « gouvernement économique » en vue d’une meilleure coordination des politiques économiques dans l’ensemble de l’UE. Cette discussion est à l’ordre du jour des chefs d’Etat et de gouvernement. Mes réflexions ont plutôt pour but de rendre l’Union monétaire en tant que telle plus robuste et plus résistante aux crises avec sa vocation particulière à la stabilité.
Un avantage pour l’économie allemande
Dans la crise financière et économique globale, l’euro s’est révélé être une ancre de stabilité, forte et crédible. Contrairement à ce qui se passait encore au temps des monnaies nationales, l’euro nous a protégés des turbulences de changes internes à l’Europe qui auraient encore aggravé la situation.
Ce cadre stable est précisément un grand avantage pour l’économie allemande qui est étroitement intégrée dans l’ensemble international et qui réalise plus de 40% de son commerce extérieur dans la zone euro. Cependant nous sommes aussi dans la zone euro à un tournant décisif. Les conséquences de la crise deviennent de plus en plus visibles, les marchés du travail sont au plus bas dans certains pays, et presque partout l’endettement public se situe bien au-dessus des limites fixées par les traités. Nous n’avons pas le choix : tous les Etats membres de la zone-euro doivent revenir aussi rapidement que possible dans les normes déterminées par le pacte de stabilité et de croissance. J’insiste sur ce message parce que j’ai l’impression que les marchés financiers parlent aujourd’hui un langage plus clair que les politiques. Dans certains Etats de la zone euro des faiblesses structurelles lourdes sont apparues, qui exigent des réformes profondes et un processus d’adaptation long et douloureux. Il s’est avéré que la surveillance des politiques économiques et financières dans la zone euro est insuffisante pour prévenir à temps des évolutions négatives.
C’est clair : nous ne pouvons pas continuer comme ça. Nous devons utiliser de manière plus décidée les instruments de politique économique et financière à notre disposition. Ainsi quand les mesures d’économies d’un Etat membre lourdement déficitaire sont insuffisantes, nous devons cesser de verser les contributions du fonds de cohésion.
Le cadre réglementaire européen est encore incomplet, on le constate de plus en plus. Des situations extrêmes telles qu’on les connaît actuellement exigent une intervention rapide et exhaustive afin de parer à des dangers systémiques plus graves. L’Union monétaire n’y est pas préparée. En croyant que la surveillance des budgets était effective, on a tout simplement pensé que les problèmes d’aujourd’hui étaient exclus.
Celui qui ne veut pas prendre en compte les réalités parce qu’il pensait d’une manière raisonnable qu’elles ne pouvaient pas se produire, réduit sa capacité d’action, précisément dans des situations délicates. Je ne le ferai pas. Au contraire je voudrais regarder vers l’avenir. Si nous voulons un euro fort et stable pour longtemps – et c’est cela notre volonté en Allemagne et c’était aussi la condition pour fondre le deutschemark et sa forte crédibilité dans l’euro —, alors nous devons être maintenant prêts à faire de nouveaux pas vers l’intégration dans la zone euro.
Les membres de la zone euro doivent coordonner beaucoup plus leur politique économique et s’immiscer beaucoup plus dans la politique des autres pays membres. Je suis conscient qu’il y a de nombreuses résistances à surmonter. Mais je suis convaincu que le chemin de l’intégration européenne, de l’Union monétaire et de l’euro est pour l’Allemagne le seul possible. Depuis la création de la République fédérale nous avons poursuivi sur cette voie avec un grand succès. C’est justement dans des jours comme ceux-ci, où les perspectives économiques apparaissent troubles et où les problèmes financiers s’accumulent, qu’il faut garder l’œil sur cette voie à succès. Il est capital que les Européens travaillent ensemble pour maîtriser ensemble les difficultés et ainsi continuer à avancer. Ces efforts sont devant nous.
Pour la première fois on a vu qu’un membre de l’Union monétaire avec une base économique faible, dans une crise budgétaire aigüe, peut perdre la confiance des marchés financiers internationaux. Comment peut-on assurer le soutien d’un Etat membre pour la consolidation radicale de ses finances publiques et pour la mise en œuvre de réformes économiques de fond, tout en écartant le danger d’un défaut de paiement ?
Un recours problématique au FMI
Normalement voilà des tâches que le FMI a assumées avec expérience et succès dans de nombreuses crises à travers le monde. Pour un membre de l’Union monétaire, cette voie ne va pas cependant pas sans poser des problèmes, ne serait-ce que parce qu’un domaine politique central, à savoir la gestion de la monnaie, est « communautarisée ». L’intervention du FMI est donc sujette à controverses. Il est en tous cas préférable que les pays de la zone euro s’arment eux-mêmes à l’avenir et développent le cadre institutionnel.
On pourrait s’inspirer de l’expérience acquise avec le soutien financier à moyen terme assuré aux pays membres de l’UE qui ne font pas partie de la zone euro. En mai 2009 les possibilités de financement ont été élargies de manière significative à cause des grandes difficultés économiques rencontrées par quelques Etats membres d’Europe centrale et orientale. Ces instruments se sont révélés adéquats pour enrayer et surmonter les conséquences de la crise.
Un Fonds monétaire européen pourrait aussi garantir des liquidités de secours à des Etats membres de l’euro, afin d’endiguer un danger de cessation de paiement. En même temps des règles strictes et des sanctions prohibitives devraient être appliquées. Ainsi les appels aux mesures d’aide ne devraient intervenir qu’en cas de nécessité absolue, quand un danger menacerait l’ensemble de la zone euro.
On renforcerait encore cette clause en excluant le pays concerné des discussions et des décisions. L’aide doit être un dernier recours. La décision politique à propos des aides doit être prise en accord avec la BCE. Les aides devraient être couplées avec un renforcement des sanctions dans le cadre de la procédure sur les déficits budgétaires : des amendes seraient immédiatement prononcées et devraient être payées à la fin du programme d’aide après un temps de carence, sans échappatoire pour le pays concerné.
Cette perspective d’aide d’urgence associée à des mesures correctives strictes en matière de politique économique et financière renforcerait la confiance des marchés, prévenant un approfondissement de la crise et évitant un recours au FMI pour les pays de la zone-euro. Une garantie de liquidités ne doit cependant pas aller de soi. La possibilité de l’insolvabilité d’un Etat doit fondamentalement continuer à exister. Affronter des réalités désagréables peut être en dernière analyse et dans des situations données la meilleure solution.