La France vient de se doter d’un nouveau Livre blanc, validé ces derniers jours par le président de la République.
Quatre points méritent particulièrement d’être retenus. Tout d’abord, malgré les difficultés budgétaires, le président de la République a souhaité maintenir le niveau de l’effort national et l’ampleur de notre outil de défense.
Il s’agit d’une décision forte. Ensuite, nous maintenons le triptyque fondamental de notre politique de défense : protection de notre population, dissuasion nucléaire et intervention extérieure. En outre, nous maintenons notre souveraineté par l’existence de l’industrie de défense française et européenne. Enfin, nous fixons l’objectif d’une relance pragmatique de l’Europe de la défense.
Je parle de l’Europe de la défense et non de la défense européenne par réalisme. Le second concept, plus incantatoire, n’a jamais donné de résultats tangibles. Pour ma part, le concept d’Europe de la défense m’apparaît nettement plus pragmatique. C’est une logique plus humble. Mais si on veut qu’elle prenne une forme de réalité, il faut abandonner les postures idéologiques pour agir concrètement à deux, à trois, à cinq, à vingt-sept voire bientôt à 28, en fonction des possibilités qui nous sont offertes et des opportunités que nous pouvons saisir.
Je veux le croire car, en toute objectivité, nous n’avons pas le choix. C’est pourquoi la France entend continuer à être un promoteur actif du renforcement de l’Europe de la défense. Si, par le passé, une telle ambition a pu être perçue par certains de nos partenaires comme utopique, voire dogmatique, aujourd’hui – plus que jamais –, cet objectif s’impose à nous car il s’agit d’une nécessité historique.
Ce qui guide en premier lieu cette nécessité, c’est le rééquilibrage de la politique américaine de défense. Les Européens doivent saisir leur responsabilité face à la stratégie du pivot des États-Unis.
La deuxième nécessité, c’est la contrainte budgétaire des uns et des autres qui limite les développements capacitaires avec, parfois, des coupes fortes et significatives, à quelques exceptions près. Il faudra bien mutualiser, partager, trouver des points de cohérence. Sinon, l’Europe se déclassera stratégiquement. Il s’agirait d’un renoncement terrible.
Troisièmement, la permanence des menaces et des risques est réelle : l’arc sud, les fragilités à l’est, la mondialisation
avec la généralisation des flux terroristes, du gangstérisme lié à la drogue ou du fondamentalisme religieux.
Progressivement, je suis convaincu que les États membres en prendront conscience. Sinon, c’est à une perte de souveraineté collective que nous sommes condamnés.
Il faut commencer par cela avant de reprendre les discours théoriques ou purement projectifs qui n’aboutiront pas à des résultats concrets. C’est dans ce sens qu’il faut préparer le prochain Conseil européen de décembre 2013. La position de la France sera de renouveler cela et d’assurer la régularité annuelle de nos rencontres sur ces sujets.
Alors que les questions de sécurité et de défense sont au cœur de son mandat, le Conseil européen ne s’est pourtant plus exprimé sur ces sujets depuis décembre 2008. Cette situation est incompréhensible.
Aujourd’hui, nous nous trouvons dans une conjoncture favorable à une nouvelle impulsion pour la construction de l’Europe de la défense. Nous entendons profiter pleinement du rendez-vous de décembre 2013 proposé l’année dernière par le Président Van Rompuy. C’est un signal politique fort. Cette opportunité doit être saisie.
Pour commencer, soyons pragmatiques dans le domaine opérationnel. Il est urgent que l’Union européenne mette enfin en œuvre une véritable approche globale de la gestion des crises. Je veux le dire ici avec force, ceci ne sera pas possible tant que les institutions européennes ne seront pas capables d’adapter et d’optimiser leur façon de travailler, de mettre un terme, aux cloisonnements institutionnels qui persistent entre la Commission et le Service européen d’action extérieure (SEAE), et entravent la mobilisation rapide, cohérente et efficace de l’ensemble des instruments de l’UE.
Depuis plus d’un an, la France a attiré sans relâche l’attention de ses partenaires sur la dangerosité de la situation sécuritaire au Mali. Les faits ne nous ont pas démentis, justifiant notre intervention nationale. Aujourd’hui, nous sommes entrés dans une phase de stabilisation. La mise en place d’EUTM Mali s’est révélée efficace mais particulièrement longue, alors qu’il ne s’agit que d’une mission de formation militaire. La mission EUTM ne constitue d’ailleurs pas la seule réponse à la crise malienne. L’Europe a l’avantage de proposer des solutions globales, comme elle le montre aujourd’hui par exemple dans le cadre de la conférence sur le développement du Mali.
Au-delà, nous devons également progresser dans le champ capacitaire. Nous le faisons avec les Britanniques. Mais les projets peuvent être ouverts à deux, à trois ou à plus d’États volontaires. Avec la volonté politique, et sans remettre en cause la souveraineté des États, nous pouvons faire avancer plusieurs sujets concrets et simples comme le transport aérien logistique. L’EATC a fonctionné au Mali. Ces mécanismes peuvent être ouverts à d’autres États et à d’autres domaines. Je pense notamment au ravitaillement en vol ou au domaine spatial.
Enfin, concertant l’industrie, je suis convaincu de la nécessité de maintenir la base industrielle technologique européenne de défense. Il n’est sans doute pas opportun de l’ouvrir aujourd’hui aux quatre vents. La bonne manière consiste à anticiper les programmes à venir pour que les États membres susceptibles d’y participer se portent volontaires pour éviter la concurrence intra-européenne. Je pense par exemple aux drones comme un sujet pour une coopération industrielle à moyen terme.