Pourquoi il faut un accord avec l’Iran

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Les négociations entre et l’Iran les représentants de la communauté internationale (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité plus l’Allemagne, dits P5+1) se sont achevées, aux petites heures du dimanche 10 novembre, sans qu’un accord ait été trouvé. Elles reprendront à la fin du mois, toujours à Genève. Les chances d’aboutir sont-elles meilleures ? La réponse est oui sans qu’il y ait bien sûr de certitude.

Un accord est dans l’intérêt de tous les protagonistes. Cela fait maintenant plus de dix ans que la communauté internationale a été alertée par les trois principales puissances européennes, la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, sur les dangers du programme nucléaire iranien. Commencé déjà du temps du shah, ce programme semblait mener inexorablement vers la possession par l’Iran de l’arme nucléaire. Dans une région hautement explosive, un Iran nucléarisé ne pouvait qu’encourager la prolifération.

Le régime des mollahs explique que ses objectifs sont uniquement civils. La maitrise du nucléaire est destinée à la production d’électricité. La communauté internationale n’est pas convaincue. Et pour une fois, il n’est pas déplacé de parler de communauté internationale. Les cinq pays membres du Conseil de sécurité de l’ONU, y compris la Russie et la Chine, partagent officiellement les mêmes inquiétudes. C’est la raison pour laquelle des sanctions internationales ont pu être mises en œuvre contre l’Iran et ces sanctions ont été efficaces. Au moins partiellement. Elles ont coûté cher à l’économie iranienne et ne sont pas étrangères à la victoire du « modéré » Hassan Rohani aux récentes élections présidentielles. Rohani a gagné parce qu’il a laissé entendre qu’il avait un arrangement possible qui conduirait à une levée des sanctions, promesse d’une élévation du niveau de vie.

En revanche, les sanctions n’ont pas empêché l’Iran, sous la houlette du guide suprême Ali Khamenei et du précédent président Mahmoud Ahmadinejad, de poursuivre l’enrichissement de l’uranium à un degré tel que le pays pourrait être en mesure de produire une arme nucléaire dans les prochaines années. Les P5+1 ont donc intérêt à parvenir avec Téhéran à un accord limitant l’enrichissement de l’uranium et garantissant l’usage strictement civil de l’énergie nucléaire. Faute d’accord, il n’y aurait guère d’autre moyen d’empêcher l’Iran d’accéder à l’arme nucléaire qu’une intervention armée pour détruire ses installations. C’est la « solution » qui a la préférence d’Israël. C’est celle que refusent implicitement les Etats-Unis et leurs alliés, même si l’hypothèse d’une action de force « reste sur la table », comme l’on dit dans le jargon diplomatique, ne serait-ce que pour accroitre la pression sur l’interlocuteur.

La crainte d’une intervention militaire, dont les conséquences régionales sont imprévisibles, était déjà à l’origine de la démarche européenne en 2003 quand les négociations ont commencé. Il s’agissait d’éviter que George W. Bush ne soit tenté de régler le problème iranien comme il avait « réglé » la question irakienne. Elle explique aussi en partie la fermeté dont la France a fait preuve à Genève. Un arrangement mal ficelé serait d’autant plus mal accepté par les Israéliens que Benjamin Netanyahou est, par principe, hostile à tout accord.

La diplomatie française n’est sans doute pas mécontente de manifester son indépendance après avoir été maltraitée par les Américains et les Russes dans l’affaire syrienne. Mais ce n’est pas seulement une question de susceptibilité. Laurent Fabius a fait valoir des objections de fond au projet d’accord qui était sur la table à Genève. Les garanties présentées par l’Iran ne lui ont pas paru suffisantes pour une levée même partielle et provisoire des sanctions. Ce n’est pas une opposition définitive. C’est une pression supplémentaire pour que le régime des mollahs ne soit pas tenté de gagner du temps, comme il l’a fait constamment au cours des dix dernières années.

En montrant trop ouvertement leur intérêt pour une conclusion rapide, les Américains ont affaibli leur position de négociation. La France les aide à obtenir à un accord solide, seule base sérieuse d’une réintégration souhaitable de l’Iran au Moyen-Orient.