François Hollande a réussi à faire sourire Angela Merkel, au cours de leur conférence de presse commune, mardi 15 mai à Berlin, avec deux remarques ironiques qui sont sa marque. Il a expliqué que sa visite avait d’abord pour but de prendre contact puisqu’il n’en avait pas eu l’occasion avant. Et il a rappelé que la coopération franco-allemande avait toujours aussi bien fonctionné quand les responsables étaient de sensibilités politiques différentes que quand ils appartenaient au même parti, « ce qui est l’exception », a-t-il ajouté, pour ce qui pouvait passer pour une allusion aux prochaines échéances électorales en Allemagne.
Une manière de détendre l’atmosphère alors qu’il était évident que le nouveau président de la République et la chancelière étaient en désaccord sur la politique européenne qu’ils doivent mener ensemble dans les prochains mois, qu’ils le veuillent ou non. Angela Merkel tient à son pacte budgétaire que François Hollande ne veut pas faire ratifier, du moins en l’état. Et elle ne pense rien de bon des propositions de relance de la croissance avancées par le président français. La négociation entre les deux n’a pas vraiment commencé et les positions de départ n’ont pas changé. Il est peu probable qu’il y ait, de part et d’autre, des mouvements significatifs avant les élections législatives en France.
Entretemps, les collaborateurs d’Angela Merkel et de François Hollande vont se mettre au travail pour préparer les indispensables compromis. Les deux responsables sont convaincus au moins d’une chose : que la coopération franco-allemande est une figure obligée de la politique européenne. Le président socialiste ajouterait qu’elle ne doit pas être exclusive, car il a intérêt à s’appuyer sur d’autres gouvernements européens, y compris conservateurs, qui partagent au moins en partie ses vues sur l’économie, mais Angela Merkel n’est pas la dernière à se chercher des alliés chez les autres partenaires européens.
Ce jeu a d’ailleurs toujours été bénéfique à l’intégration européenne. L’histoire du dernier demi-siècle montre que les plus grands progrès ont été accomplis en Europe quand la France et l’Allemagne partaient de positions diamétralement opposées. Les deux pays incarnent des traditions, des modes de pensée, une organisation des rapports entre l’Etat et l’économie différents dont la variété est représentée dans l’ensemble des vingt-sept Etats membres de l’Union. Quand ils arrivent à s’entendre sur une voie moyenne, il y a de fortes chances que celle-ci soit acceptable par une majorité de partenaires.
François Hollande a eu, à Berlin, quelques paroles qui ont dû plaire à son hôtesse. Il a parlé de la politique de l’offre, du sérieux nécessaire dans la gestion des comptes publics, de la compétitivité de l’économie. Il lui faut maintenant convaincre la chancelière que des mesures concrètes doivent être prises en faveur de la croissance en Europe, qui aillent au-delà de la simple mobilisation des fonds déjà disponibles. L’écart entre les conjonctures française et allemande au premier trimestre de cette année – stagnation de ce côté du Rhin, croissance au-delà –, peut être un atout dans la mesure où il montre l’urgence d’une action décisive. Sinon, la Grèce ne sera pas le seul pays menacé par la récession.
Le gouvernement allemand a fini par bouger en encourageant des hausses, certes modérées, des salaires pour soutenir la consommation intérieure. Il est d’autre part soumis à la pression de l’opposition social-démocrate et verte dont le soutien est nécessaire à la ratification du pacte budgétaire. Même s’ils ne sont pas totalement convaincus par les projets de François Hollande, les sociaux-démocrates et les Verts allemands se réfèrent à la France pour critiquer Angela Merkel.
Pour le nouvel hôte de l’Elysée, les difficultés ont vite commencé mais il ne manque pas d’atouts pour les affronter.