Proche-Orient : un effet Obama ?

Barack Obama ne croit pas au « choc des civilisations ». Son discours du Caire, en 2009, annonçait une révision des relations entre les Etats-Unis et l’Islam qui devrait permettre de relancer le processus de paix au Proche-Orient. Les experts s’interrogent sur les chances de succès de la nouvelle diplomatie américaine

Il y a près d’un an, le 4 juin 2009, Barack Obama prononçait au Caire un discours jugé historique sur la politique américaine au Proche-Orient. De l’avis général, les propos tenus en terre musulmane par le successeur de George Bush ouvraient de nouvelles perspectives pour cette région du monde et, avant tout, pour le règlement du conflit israélo-palestinien, placé par le président américain au centre de sa stratégie.

Où en sommes-nous aujourd’hui ? Les attentes créées par Barack Obama étaient-elles excessives ? Les actes ont-ils suivi les paroles ? Le Forum de Paris, qui réunissait les 9 et 10 avril de nombreux experts, a tenté de répondre à ces questions en s’interrogeant sur l’avenir du processus de paix, au moment où les Etats-Unis ont choisi, sous l’impulsion de leur nouveau président, de renouveler leur approche du monde musulman.

Les Etats-Unis et l’Islam

Qu’y avait-il de nouveau dans le discours du Caire ? Comme l’a rappelé Alain Frachon, directeur éditorial du Monde, le président américain y affirmait notamment que les Etats-Unis ne sont pas en guerre avec l’Islam et qu’ils ne cherchent pas à modifier les régimes en place (c’était l’idée de George Bush) mais que, par ailleurs, ils entendent conserver un lien indéfectible avec Israël et qu’ils condamnent toute forme de terrorisme.

Salué avec enthousiasme dans le monde arabe, ce discours manifestait la volonté de Barack Obama de prendre à bras-le-corps la question israélo-palestinienne et d’engager une dynamique de paix au Proche-Orient, y compris en Iran, auquel le président américain décidait de tendre la main. Moins d’un an après, on ne saurait juger les résultats de cette nouvelle politique, dont seul le temps permettra de mesurer le succès ou l’échec, mais on peut tenter d’en évaluer les chances et les blocages.

L’intransigeance israélienne

Le premier blocage est venu des Etats-Unis. Barack Obama a choisi de consacrer toute son énergie à la réforme du système de santé. Non seulement cet engagement sollicitait toute son attention, mais surtout la recherche d’un règlement au Proche Orient risquait de lui coûter une partie du soutien dont il avait besoin au Congrès. Il lui fallait donc attendre d’en avoir fini avec ce dossier.

Toutefois les principaux blocages sont venus des belligérants eux-mêmes. L’intransigeance du gouvernement Nétanyahou, « le plus à droite de toute l’histoire d’Israël », selon Albert Mallet, président du Forum de Paris, a fait plier le président américain qui a dû renoncer – provisoirement – au gel des colonies. Les divisions entre le Hamas et le Fatah n’ont pas permis à l’Autorité palestinienne de se présenter comme un interlocuteur crédible.

Une autre difficulté a trait à la faiblesse de l’Union européenne, qui n’a pas été capable d’aller au-delà de simples déclarations de principe. Sur le terrain, mis à part le financement de l’Autorité palestinienne, son rôle a été modeste. L’ombre portée de l’Iran sur la région n’a pas non plus facilité la recherche d’une solution. La main tendue de Barack Obama a été rejetée.

La ténacité du président américain

Dans ces conditions, quelles sont les chances de surmonter les blocages auxquels se heurte le processus de paix ? L’adoption par le Congrès américain de la réforme du système de santé va permettre à Barack Obama de se consacrer à d’autres dossiers. Elle a démontré la ténacité du président américain, qui est allé, contre vents et marées, jusqu’au bout de la négociation. « Le discours est devenu réalité », note Dominique Moïsi, conseiller spécial à l’IFRI (Institut français des relations internationales). Pourquoi en irait-il autrement en politique étrangère ? 

En Europe, l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne donne l’espoir d’une action plus énergique de l’UE, malgré les réserves qu’inspire le choix de Catherine Ashton comme haute représentante. Il est vrai que rien ne paraît avoir bougé en Israël ni du côté arabe. Mais Barack Obama garde des cartes en main. Il peut tirer profit, selon Dominique Moïsi, du trouble du peuple juif, qui a aujourd’hui le sentiment d’un divorce avec la communauté internationale. Il peut aussi, selon Robert Malley, ancien conseiller du président Clinton, poser au Hamas des conditions plus acceptables par celui-ci, comme un cessez-le-feu (plutôt que la renonciation à toute violence) ou l’organisation d’un référendum.

L’Iran déstabilisé

S’il ne parvient à convaincre ni les Israéliens ni les Palestiniens, il lui reste la possibilité – c’est la thèse de l’historien Elie Barnavi, ancien ambassadeur d’Israël en France et directeur scientifique du Forum de Paris – d’imposer une paix américaine, en mettant sur la table, comme on lui en prête l’intention, son propre plan. A noter aussi qu’en Iran l’offre de Washington, comme l’a noté Bernard Hourcade, directeur de recherche au CNRS, a contribué à déstabiliser le régime, désormais ouvertement contesté par une opposition démocratique. 

Rien n’est encore acquis mais, pour la plupart des observateurs, Barack Obama, en renonçant à l’idée du « choc des civilisations » théorisé par Samuel Huntington et en fixant le nouveau cadre de sa politique proche-orientale, a rendu moins improbable, dans un avenir encore imprévisible, la fin du conflit qui empoisonne depuis des décennies les relations internationales.