Quel avenir pour le Brexit ?

Après le vote négatif de la Chambre des communes sur l’accord de divorce conclu entre Londres et Bruxelles, le Brexit est décidément dans l’impasse. Le blocage paraît insurmontable. Theresa May s’est en effet heurtée à la coalition de trois forces qui se sont conjuguées, en dépit de leurs divergences souvent radicales, pour lui infliger une lourde défaite : les députés du parti travailliste, qui souhaitaient son échec pour provoquer de nouvelles élections législatives et porter leur chef de file, Jeremy Corbyn, à la tête du gouvernement ; les partisans d’une sortie sans accord (« no deal »), qui pensaient que le rejet de l’accord proposé permettrait enfin de couper tous les liens avec l’Union européenne ; les adversaires du Brexit, qui espéraient que, faute d’autre solution, la seule issue à la crise serait l’organisation d’un deuxième référendum désavouant les résultats du premier.

Les plus farouches anti-Européens se sont ainsi ligués avec les plus ardents pro-Européens tandis que les travaillistes, eux-mêmes divisés, tentaient une manœuvre de diversion. Ce jeu de dupes n’a fait que créer plus de confusion encore, à quelques semaines de l’échéance du 29 mars, date officielle du Brexit. De ces trois hypothèses – le « no deal », un nouveau référendum ou des élections générales -, laquelle est la plus crédible ?

Le « no deal » ? Ceux qui en rêvent croient que le Royaume-Uni, une fois délivré des contraintes européennes, peut devenir une sorte de grand Singapour au cœur d’une vaste zone de libre-échange et le Brexit constituer la première étape vers un « choc économique ultralibéral », selon les termes de l’ancien ministre des affaires étrangères Boris Johnson, chef de file des « hard brexiters ». Beaucoup de conservateurs partagent cette analyse, mais la crainte des dégâts économiques qu’entraînerait une telle issue tend à se répandre, notamment dans le patronat, et en rend la perspective moins probable.

Un nouveau référendum ? Le président du Conseil européen, Donald Tusk, l’a suggéré à mots couverts en déclarant : « Si un accord est impossible et si personne ne veut d’un « no deal », qui aura le courage de dire quelle est la seule solution possible ? ». Cette solution serait, pour Donald Tusk, même s’il ne le dit pas ouvertement, de demander aux Britanniques de revoter. Ceux qui refusent une nouvelle consultation crient déjà au déni de démocratie et même ceux qui la souhaitent redoutent que le peuple ne confirme son premier vote. Pour le moment, les grands partis n’en veulent pas.

La troisième hypothèse, celle de nouvelles élections générales, n’est pas impossible, mais après le rejet du vote de défiance déposé par les travaillistes contre Theresa May, même avec une marge étroite, elle n’est pas la plus vraisemblable. On ne voit pas pourquoi les conservateurs faciliteraient la victoire annoncée de Jeremy Corbyn ni comment cette éventuelle alternance permettrait de dénouer la crise du Brexit.

Reste une quatrième hypothèse, celle d’une renégociation entre Londres et Bruxelles sur la base du plan B que doit présenter la première ministre devant la Chambre des communes. Pour obtenir une majorité, ce plan devra être approuvé non seulement par une partie des conservateurs mais aussi par les travaillistes. On n’en connaît pas encore le contenu. Toutefois l’idée d’une solution « à la norvégienne », c’est-à-dire d’un statut proche de l’Union européenne, fait son chemin. Sans doute faudrait-il accorder au Royaume-Uni un délai supplémentaire et repousser la date-butoir du 29 mars. Il semble que Bruxelles y soit prête. Les députés britanniques seront-ils capables de dépasser leurs divisions pour construire un consensus ? C’est tout l’enjeu des prochaines semaines.