Quelle coalition pour Berlin ?

Le 30 août était en Allemagne un « super dimanche électoral ». A quatre semaines du scrutin qui doit renouveler le Bundestag, on votait dans trois Länder, en Sarre, en Saxe et en Thuringe. Trois élections régionales certes dans deux Länder de l’Est et dans le petit Land de Sarre, à l’extrême ouest de la République fédérale, mais trois élections qui vont certainement animer une campagne nationale jusque là bien atone. Après le « super dimanche électoral », l’issue de la bataille est plus incertaine que jamais.

Deux points communs caractérisent les trois résultats de dimanche. Il y a un perdant, le projet d’une coalition dite noire-jaune, entre les chrétiens démocrates et les libéraux, l’objectif affiché par la chancelière Angela Merkel. Et il y a un grand vainqueur : Die Linke, le parti de la gauche radicale qui regroupe les anciens communistes d’Allemagne de l’Est et les déçus de la social-démocratie à l’Ouest. Non seulement, Die Linke maintient ses positions dans les Länder de l’Est, malgré un léger tassement en Saxe, mais le parti fait un score exceptionnel en Sarre, avec 21,3% des voix, soit un gain de 19 points par rapport à 2004. L’explication de ce succès spectaculaire tient en un nom : Oskar Lafontaine, le coprésident de Die Linke, ancien ministre-président du Land sous les couleurs du parti social-démocrate (SPD), baptisé « le Napoléon de la Sarre » à cause de sa petite taille, de son allure altière et de sa propension à l’autoritarisme. Sa popularité n’a pas souffert de sa rupture avec ses camarades socialistes, faut-il dire au contraire ?

La CDU d’Angela Merkel perd des points partout, sauf en Saxe, et elle pourrait être évincée des gouvernements provinciaux qu’elle dirigeait jusqu’alors en Thuringe et en Sarre. Elle s’y attendait mais la défaite est plus sévère que prévue. Elle n’entame pas les chances de la démocratie-chrétienne de rester le premier parti d’Allemagne après les élections nationales du 27 septembre, ni celles d’Angela Merkel de retrouver la chancellerie mais elle pose d’une manière plus aigüe la question des coalitions. Et surtout, elle va obliger la chancelière, qui jusqu’à maintenant surfait sur sa popularité pour ne pas faire campagne, à se jeter dans la bataille.

Le mot d’ordre de la démocratie chrétienne pour les prochaines semaines a été dévoilé par son secrétaire général, Ronald Poffala, au soir des scrutins régionaux : « stabilité ou expérimentations politiques », un slogan qui rappelle le principe du chancelier Adenauer dans les années 1950 : « Pas d’expérimentation ! »

Les expérimentations politiques auxquelles fait allusion Ronald Poffala, ce sont les nouvelles coalitions que les résultats des élections en Sarre et en Thuringe rendent possibles, des gouvernements régionaux dits "rouge-rouge-vert", autrement dit des alliances entre les social-démocrates, Die Linke et les Verts. Une telle coalition a une majorité en Sarre comme en Thuringe. Ce ne serait pas la première fois que le SPD et les anciens communistes de l’Est gouverneraient ensemble au niveau régional, à l’Est. C’est déjà le cas au Mecklembourg-Poméranie. A l’Ouest, en revanche, ce serait inédit. Dans les semaines qui viennent, la démocratie-chrétienne et les libéraux vont agiter ce chiffon rouge pour faire peur aux électeurs allemands et faire appel à leur profond conservatisme.

Le SPD maintiendra sa position traditionnelle en faveur d’éventuelles alliances régionales ou locales avec Die Linke (la CDU gère aussi des villes de l’ex-Allemagne de l’Est avec d’anciens communistes) mais contre une coalition avec Die Linke au niveau fédéral. Son objectif officiel est bien sûr de gagner le 27 septembre ; son ambition secrète est de ne pas perdre, c’est-à-dire d’être assez fort pour empêcher une coalition « bourgeoise » entre la CDU-CSU et FDP, et de se maintenir au pouvoir au sein d’une grande coalition avec… la CDU-CSU.