Quelles priorités pour l’UE ?

Des experts d’une dizaine de pays s’interrogent sur l’avenir des politiques européennes sous les présidences successives de l’Espagne, de la Belgique et de la Hongrie. Ils analysent les défis que l’Europe devra affronter et formulent des recommandations. Principal mot d’ordre : la solidarité entre les Vingt-Sept, qui appelle plus de cohérence et de coordination.

Quelles sont les priorités de l’Union européenne dans les mois à venir, sous l’actuelle présidence de l’Espagne puis sous celles de la Belgique, au second trimestre 2010, et de la Hongrie, au premier trimestre 2011 ? Quatorze laboratoires d’idées issus d’une dizaine de pays européens ont été mis à contribution, à l’initiative de l’association Notre Europe, fondée par Jacques Delors et présidée par Tommaso Padoa-Schioppa, pour tenter de définir les principales tâches de l’UE au lendemain de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne.

 

Relancer la croissance

 

Les défis qui attendent l’Europe sont nombreux. Retenons les plus significatifs : surmonter la crise économique et ses conséquences sociales ; relancer la croissance en révisant profondément la « stratégie de Lisbonne » ; mettre en oeuvre une politique de l’énergie qui assure à la fois l’approvisionnement des Vingt-Sept et la lutte contre le réchauffement climatique ; redéfinir la politique agricole commune ; fixer de nouvelles règles dans le domaine de l’asile et de l’immigration ; renforcer la présence de l’Union européenne sur la scène internationale.

 

Pour atteindre ces objectifs, les Européens doivent aussi mettre en place de nouveaux moyens, tels que le renforcement de la gouvernance économique, la création du nouveau service d’action extérieure prévu par le traité de Lisbonne ou l’élaboration du prochain budget communautaire à partir de 2013.

 

Un moment décisif de transition

 

« Le trio des présidences espagnoles, belge et hongroise vient à un moment décisif de transition et de profond changement dans la gouvernance européenne, impliquant de nouveaux acteurs, de nouvelles règles et de nouvelles priorités », souligne le rapport final, intitulé tgae (think global, act european). Sans prétendre résumer la quarantaine de contributions rassemblées par Notre Europe (www.notre-europe.eu), on notera, avec Andras Inotai (GKI, Budapest) et Jean Pisani-Ferry (Bruegel, Bruxelles), que l’Europe souffre, de l’avis général, d’une trop grande « fragmentation » et qu’elle a besoin d’une « approche transversale » qui permette la création de « synergies » entre ses politiques.

 

Les deux experts estiment que la perte de dynamisme de l’Europe par rapport à la Chine et aux autres économies émergentes va continuer. « La crise appelle une plus grande cohésion européenne pour gérer la mondialisation », affirme Adam Jesser (demosEurope, Varsovie), qui juge plus impérieux que jamais « le besoin d’une coordination des politiques économiques et financières ». Pour Elvire Fabry et Eulalia Rubio (Notre Europe, Paris), la construction d’une économie faible en carbone exige une « approche intégrée » qui rende possibles des synergies entre l’action économique, sociale et environnementale.

 

Une stratégie militaire commune

 

Dans le domaine de la politique étrangère, la difficile mise en place du service européen d’action extérieure devrait assurer, à terme, une plus grande cohérence de la diplomatie des Vingt-Sept (Hugo Bradley, Centre for European Reform, Londres, et Natividad Fernandez Sola, Réal Instituto Elcano, Madrid). De même, l’élaboration d’une stratégie militaire commune paraît indispensable pour donner du contenu à une ambition européenne et permettre à l’UE de faire entendre sa voix (Sven Biscop, Egmont, Bruxelles, et Tomas Weiss, Europeum, Prague).

 

En matière d’asile et d’immigration, le programme de Stockholm, adopté en 2009 sous présidence suédoise vise à harmoniser les actions des Etats membres (Maria Bergström, SIEPS, Stockholm, Katrine Borg Albertsen et Thomas Ganneltoft-Hensen, DIIS, Copenhague) mais il ne sera acceptable par les opinions publiques que si son application respecte scrupuleusement les droits de l’homme (Anaïs Faure Atger, CEPS, Bruxelles).

 

Rivalités de pouvoir

 

Les recommandations formulées par les experts ne pourront être mis en oeuvre qu’à deux conditions. Il faudra d’une part que les dirigeants européens fassent preuve d’une volonté politique forte. Il faudra d’autre part que le fonctionnement des institutions européennes issues du traité de Lisbonne favorise vraiment le travail en commun et que, par delà les inévitables rivalités de pouvoir, leurs responsables – le président du Conseil européen, le président de la Commission, le chef d’Etat ou de gouvernement qui assure la présidence tournante, la haute représentante pour les affaires étrangères et la défense – sachent unir leurs efforts, en liaison avec l’ensemble des Etats membres.