Quelles réformes des traités ?

Alors que la crise de la zone euro s’aggrave de jour en jour, la France et l’Allemagne devraient proposer une réforme des traités européens à leurs partenaires de l’Union, au cours du prochain Conseil des vingt-sept chefs d’Etat et de gouvernement, le 9 décembre à Bruxelles. La discussion porte sur la nature et l’ampleur des changements.

Au départ, les positions française et allemande étaient très éloignées l’une de l’autre. C’est une situation classique. Paris acceptait un durcissement des règles du pacte de stabilité mais sans changement des traités pour éviter le long et périlleux chemin des ratifications. Pour des raisons constitutionnelles, Berlin voulait respecter les formes juridiques. Nicolas Sarkozy et Angela Merkel étaient cependant conscients qu’un accord entre eux était indispensable pour entraîner leurs partenaires et tenter de rassurer les marchés.

Plusieurs hypothèses ont été évoquées. La France se serait contentée d’une interprétation aussi extensive que possible des textes existants, afin de durcir la discipline budgétaire dans les pays de la zone euro, renforcer les sanctions qui devraient être automatiques en cas de violation des règles. Sur ce point, Nicolas Sarkozy s’était laissé fléchir alors qu’il aurait préféré laisser une marge d’appréciation politique pour le déclenchement et le montant des sanctions. En contrepartie, le président de la République espérait obtenir un assouplissement de la position allemande sur le rôle de la BCE. La Banque centrale européenne devait, dans son esprit, devenir un « prêteur en dernier recours », pour les pays endettés, comme la Federal Reserve aux Etats-Unis ou la Banque d’Angleterre.

Le Tribunal constitutionnel de Karlsruhe qui, dans plusieurs jugements, a posé des limites strictes à l’intégration européenne, n’aurait selon toute vraisemblance pas accepté. D’où l’insistance de la chancelière sur une réforme des traités en bonne et due forme.

Limitée et rapide

Comment ? Tout le monde sait que le temps presse. Angela Merkel a donc plaidé pour une réforme limitée et une ratification rapide, au premier semestre de 2012. Les changements doivent-ils toucher le Traité de Lisbonne, c’est-à-dire concerner les Vingt-sept ou être circonscrits aux dix-sept membres de la zone euro ?

Les esprits divergent. La réforme peut d’ailleurs ne concerner que la zone euro mais exiger une approbation et ratification par l’ensemble des pays de l’UE. C’est notamment la position défendue notamment par la Pologne et la Grande-Bretagne qui, bien que non membres de la zone euro (la première a l’intention d’y adhérer dans l’avenir) veulent avoir leur mot à dire.

Le modèle Schengen

Pour contourner l’obstacle, la France suggère de renoncer à une réforme des textes actuels. Et de lui substituer un nouvel accord intergouvernemental, sur le modèle du traité de Schengen qui organise la libre circulation entre vingt-deux Etats de l’UE et qui peut être rejoint par qui le veut et le peut à tout moment. L’Allemagne parait réticente car elle craint qu’une telle démarche apparaisse discriminatoire.

Ce risque serait d’autant plus grand si ce nouveau traité ne s’adressait, au moins dans un premier temps, qu’à une partie de la zone euro, c’est-à-dire aux Etats les plus « vertueux », ou supposés tels, ceux qui bénéficient toujours du triple A : Allemagne, France, Pays-Bas, Luxembourg, Autriche, Finlande. En fixant dans les textes, l’existence d’une zone euro à plusieurs vitesses, cette réforme ne résoudrait pas la question des pays endettés. Tout au plus organiserait-elle une solidarité financière entre ceux qui, pour l’instant en tous cas, en ont le moins besoin. Elle tendrait à créer deux euros, l’un pour le nord, l’autre pour le sud, avec des dérives de taux d’intérêt qui ne décourageraient pas la spéculation sur un éclatement de la zone euro.

Quelle légitimité démocratique ?

Reste la question de la légitimité démocratique d’un renforcement de la coopération, tendant vers une sorte de fédéralisme monétaire, au sein de l’euro-zone. Il est difficile de confier à des structures technocratiques la surveillance des budgets nationaux, avant toute discussion au sein des parlements des pays concernés, sans prévoir un contrôle démocratique.

Au récent congrès de la démocratie-chrétienne allemande, Angela Merkel a proposé pour le moyen terme des réformes plus ambitieuses de l’UE, avec élection du président de la Commission de Bruxelles au suffrage universel, renforcement des pouvoirs du Parlement européen, etc. Un véritable fédéralisme politique qui dépasserait les petits arrangements entre gouvernements nationaux et serait une nouvelle avancée de l’intégration européenne. Mais qui y est prêt ?