Réforme de l’audiovisuel : le Sénat en garde-fou

Le Sénat reprend ses travaux, mercredi 7 janvier, avec l’examen de la réforme sur l’audiovisuel alors que la suppression de la publicité en soirée est entrée en vigueur depuis le 5 janvier sur les chaînes publiques. Les sénateurs feront-ils preuve de sagesse en amendant profondément le texte qui leur est proposé ? Il en va de la pérennité du financement du service public, mais aussi de la sauvegarde de l’indépendance des médias au coeur de la démocratie.

Elèves et enseignants ont contraint Xavier Darcos à renoncer à une réforme des lycées dont les intéressés ne comprenaient pas l’intérêt. Du moins, l’ont-ils obligé à revoir sa copie. Les députés ont conduit le gouvernement à reporter sine die l’examen d’une loi sur le travail du dimanche qui ne faisait pas l’unanimité dans la majorité. Pourquoi les sages du Sénat n’honoreraient-ils pas leur réputation de sagesse en modifiant très profondément le texte du projet de loi de réforme de l’audiovisuel dont ils vont se saisir à partir de mercredi 7 janvier et dont ils vont débattre durant quinze jours ?

Cette réforme qui supprimera toute publicité sur le service public d’ici à 2011 et dès maintenant à partir de 20h. n’est pas contestable dans son principe même si son opportunité ne s’imposait guère en temps de crise. En revanche, ses modalités méritent d’être profondément revues si l’on veut non seulement préserver la qualité du service public de l’audiovisuel mais aussi garantir son indépendance financière et politique.

Malaise dans la majorité

Quatre semaines de débats épiques à l’Assemblée nationale, avant Noël, ont fait droit aux critiques virulentes de l’opposition mais ont aussi démontré le profond malaise des élus de la majorité présidentielle sur le sujet. Certains députés UMP se sont abstenus, d’autres, moins nombreux, ont même voté contre le projet de loi. De leur côté, 10 membres du groupe Nouveau Centre, dont son président François Sauvadet, ont voté contre.

« Il n’y a pas de majorité au Sénat pour adopter ce texte en l’état », a expliqué le sénateur et ancien Premier Ministre Jean-Pierre Raffarin. L’UMP n’est pas majoritaire au Palais du Luxembourg et les élus du Nouveau Centre sont aussi réticents que leurs collègues du groupe centriste à l’Assemblée. Ce pourrait donc être là une belle occasion pour les sénateurs de démontrer leur sagesse et de faire preuve d’esprit de liberté en proposant trois modifications du texte.

Deux mesures permettraient d’assurer la sécurité et la pérennité du financement de l’audiovisuel public désormais privé de recettes publicitaires : une augmentation légitime et courageuse de la redevance (son niveau est figé à 116 euros depuis 2002) quitte à en exempter les populations les plus vulnérables et la fixation d’une dotation de l’Etat dont aurait l’assurance de bénéficier le président de France Télévision pendant toute la durée de son mandat. Beaucoup de sénateurs, et pas seulement ceux de l’opposition, paraissent disposés à modifier le texte dans ce sens.

Régression démocratique

En revanche, les élus du Nouveau Centre comme ceux de l’UMP ne semblent nullement enclins à revoir le mode de désignation par le chef de l’Etat du prochain président de France Télévision. Or les nouvelles dispositions imaginées par Nicolas Sarkozy lui-même constituent une véritable régression démocratique. Certes, la désignation du PDG de France Télévision par les membres du CSA, ces derniers étant nommés pour un tiers par le président de la République, un tiers par celui du Sénat et un tiers par celui de l’Assemblée nationale, était loin d’être parfaite. Mais déclarer que le droit de nommer et révoquer le président de France Télévision directement par le chef de l’Etat est une façon de rompre avec une certaine hypocrisie est aberrant ! C’est aussi absurde que de déclarer que puisque l’inceste se pratique dans certaines familles, il conviendrait de le légaliser pour sortir de l’hypocrisie ! Si le système actuel de nomination du président de France Télévision est insatisfaisant, alors il faut l’améliorer en sorte qu’il soit plus conforme aux règles d’une démocratie moderne et en s’inspirant par exemple de la manière dont les Britanniques désignent le responsable de la BBC.

C’est ce que devraient faire également les Sénateurs s’ils veulent faire œuvre salutaire et démocratique. C’est du moins la sagesse qu’on serait en droit d’attendre de cette assemblée de Sages !