Réforme économique et fermeture politique en Chine

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Après la publication du long communiqué qui a suivi le 3ème plénum du Comité central du Parti communiste chinois, on se demande ce qui l’emporte, du changement ou de la continuité. La procédure a respecté la tradition d’un régime qui reste opaque malgré le développement des techniques modernes d’information. Le plénum a eu lieu à huis clos. Aucune fuite n’a laissé supposer qu’un débat avait animé la réunion. Le Parti était pourtant supposé fixer des orientations capitales qui marqueront la décennie de pouvoir du secrétaire général du PCC et président chinois Xi Jinping. Il est d’ailleurs probable que les décisions avaient été prises en amont par le petit groupe des dirigeants les plus importants.

 

Xi Jinping et le premier ministre Li Keqiang ont attendu un an pour faire connaître les réformes qu’ils ont l’intention de mettre en œuvre. Là encore, ce n’est pas une surprise. Ils devaient consolider leur pouvoir après le XVIIIème congrès du PCC qui les a portés aux plus hautes fonctions du Parti et de l’Etat, tant auprès de l’appareil que de l’armée. Xi Jinping s’est débarrassé, pendant ce temps, de Bo Xilai, un autre « prince » qui pouvait apparaître comme un rival sur sa gauche. Fils d’un compagnon de Mao, l’ancien secrétaire de l’immense métropole de Chongqing (35 millions d’habitants) a été condamné cet automne à la prison à perpétuité. Mais il a frappé aussi « à droite » en aggravant la répression contre les blogueurs qui utilisent l’internet chinois pour revendiquer la liberté d’expression.

Le terrain étant apparemment dégagé, la direction du PCC a pu annoncer des réformes économiques et sociales qui, si elles sont appliquées, devraient changer en profondeur le fonctionnement de l’économie du pays et la vie des Chinois. La plus spectaculaire est l’assouplissement de la politique de l’enfant unique mise en place dans les années 1970 pour enrayer l’expansion démographique. Aujourd’hui, la Chine est menacée par une pénurie de main d’œuvre. Cette politique connaissait déjà des exceptions mais elle permettait une intrusion de la tentaculaire administration du planning familial dans l’intimité des femmes.

Une autre réforme devrait changer la vie de millions de travailleurs migrants. Jusqu’à maintenant, ces paysans ayant quitté leur campagne pour aller chercher du travail en ville étaient des citoyens de seconde classe. Eux et leurs familles n’avaient aucun droit social, pas de couverture médicale, pas d’accès à l’école, etc. La distribution du hukou (permis de résidence) sera progressivement facilitée, d’abord dans les petites villes et les périphéries urbaines, ensuite dans les villes moyennes.

D’autre part, les camps de rééducations par le travail dans lesquels étaient envoyés les petits délinquants et les coupables de délits d’opinion seront supprimés. L’internement administratif sera aboli au profit des tribunaux.

Dans le domaine strictement économique, les dirigeants chinois annoncent un renforcement des mécanismes du marché et une diminution du pouvoir des grandes entreprises d’Etat mais ils avancent prudemment, comme s’ils voulaient à la fois tenir compte du besoin de réformer un système dont la croissance s’essouffle sans pour autant libéraliser l’économie.

Comme leurs prédécesseurs, Xi Jinping et Li Keqiang font l’impasse sur la contradiction entre le desserrement de l’étau économique et social et le maintien du carcan politique. Xi Jinping a même passé la première année de sa présidence à dénoncer la démocratie occidentale et même le « constitutionnalisme ». Cette idée est mise en avant par quelques intellectuels chinois proches du Parti qui revendiquent simplement l’application de la Constitution chinoise. Au contraire, la répression politique est l’envers de la réforme économique. Pour encourager la croissance, le régime doit promouvoir l’innovation et l’initiative individuelle ; pour maintenir le pouvoir du parti, il doit les brimer. Tout l’art de gouverner des dirigeants communistes chinois a été jusqu’à maintenant d’éviter qu’éclate cette contradiction.