Régression démocratique en Ukraine

Chaque mardi, le point de vue de la rédaction de Boulevard-Extérieur sur un sujet de politique internationale.

Les grandes compétitions sportives sont l’occasion pour les pays organisateurs d’attirer sur eux les regards du monde. Ainsi le championnat d’Europe de football offre-t-il à la Pologne et à l’Ukraine, qui accueillent ensemble cette manifestation, une vitrine chargée de les mettre en valeur. Le problème est que la vitrine peut être séduisante si la réalité qu’elle reflète est positive mais qu’elle peut être dissuasive si l’Etat hôte n’est pas à la hauteur des attentes.

C’est aujourd’hui le cas de l’Ukraine. A la différence de la Pologne, devenue l’un des meilleurs élèves et l’une des principales puissances de l’Union européenne, l’Ukraine est largement discréditée depuis 2010 par les dérives autoritaires de son président, Viktor Ianoukovitch. Quand les deux pays ont été choisis pour organiser l’Euro 2012 il y a cinq ans, la situation était inverse : la Pologne, soumise à des forces populistes incarnées par les frères Kaczynski, avait plutôt mauvaise presse tandis que l’Ukraine était auréolée par les succès de sa « révolution orange ».

 L’attribution de la compétition aux deux Etats était à la fois un encouragement au régime de Kiev et une façon de souligner l’ouverture de l‘Union européenne au delà de ses frontières au lendemain du grand élargissement de 2004. En 2012, la démocratie est de retour en Pologne, mais elle est en régression en Ukraine. L’affaire la plus significative est la condamnation à sept ans de prison de l’ancienne première ministre Ioulia Timochenko, accusée d’avoir signé avec la Russie un contrat gazier désavantageux pour l’Ukraine.

Les partisans de Mme Timochenko s’inquiètent des conditions de sa détention. Ils dénoncent un procès politique. Ils redoutent que de nouvelles poursuites ne soient engagées contre elle pour justifier son maintien en détention. D’autres opposants sont sous les verrous. A quelques mois des élections législatives, M. Ianoukovitch n’est pas très regardant sur les moyens pour renforcer son pouvoir. C’est cette pratique que les dirigeants européens ont voulu sanctionner en boycottant l’Euro 2012.

L’enjeu géopolitique de la controverse n’est pas négligeable. Il est de savoir si l’Ukraine choisit de s’amarrer à l’Europe ou si elle retombe sous la tutelle de la Russie. M. Ianoukovitch n’a pas encore tranché. Ses relations avec M. Poutine ne sont pas bonnes et son intérêt est de laisser les deux voies ouvertes. Mais il prend le risque, s’il continue de rejeter les appels de l’Europe au respect des droits de l’homme et des libertés, de se retrouver dans l’orbite de Moscou. Cela n’est souhaitable ni pour l’Ukraine ni pour l’Europe.