Pierre Rosanvallon, organisateur du Forum de Grenoble et président de la République des Idées, a rappelé que la crise de la première mondialisation, entre 1890 et 1900, a entraîné une double réaction. D’abord, un repli sur soi des grandes nations européennes, qui a conduit au protectionnisme, au nationalisme, voire à la xénophobie, au rejet des immigrés, et finalement à la première guerre mondiale. Ensuite, à une tentative de redéfinir le concept de nation comme communauté solidaire, à une réinvention de la démocratie politique et à l’invention de la démocratie sociale.
Pierre Rosanvallon a rappelé que la démocratie « ce n’est pas seulement un régime, c’est une forme de société ». Autrement dit, les élections, les institutions, sont certes importantes pour définir le caractère démocratique de tel ou tel pays, mais elles ne suffisent pas. La société civile, les associations, les syndicats, les médias sont des composantes fondamentales de la démocratie.
Cette vérité ne doit pas être oubliée à une époque où l’idée même de démocratie est ambivalente. D’un côté, tout le monde, ou presque, lui paie son tribut ; de l’autre, elle sent le souffre et devient vite synonyme de volonté occidentale d’hégémonie. La politique de la précédente administration américaine, celle de George W. Bush, qui se proposait de promouvoir la démocratie à travers le monde, y compris par la force, n’a pas eu contribué à ce relatif discrédit. Ce qui n’empêche pas les partisans des régimes autoritaires de sacrifier parfois aux rituels démocratiques tout en vidant le concept de démocratie de toute substance. A l’inverse, les pays occidentaux ont été amenés à conditionner leur aide économique ou politique à la tenue d’élections « démocratiques » puis à en dénoncer les résultats quand ceux-ci ne correspondaient pas à leurs attentes ou portaient au pouvoir des forces antidémocratiques ou simplement des forces qui leur déplaisaient.
« Réinventer la démocratie » a donc au moins trois dimensions : comment aider à la promotion de la démocratie ? Comment traiter avec des pays ou des groupes politiques qui se contentent d’une « imitation » de la démocratie, comme le dit une politologue russe à propos de son propre pays ? Comment insuffler une dynamique à la vie démocratique dans les vieilles démocraties menacées par la crise économique ?
A quoi il faudrait ajouter une quatrième dimension : peut-on trouver des formes d’organisation et de participation démocratiques au niveau international pour s’attaquer aux défis posés au monde entier, la pauvreté, le changement climatique, les pandémies, etc. ? Ce sont quelques-unes des questions soulevées pendant les trois jours du forum de Grenoble. Y apporter des réponses est un travail permanent.