Relance à l’allemande

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Depuis le début de la crise économique et financière en Europe, les pays du sud répètent que les excédents des uns sont les déficits des autres. La première visée est l’Allemagne qui accumule les excédents commerciaux depuis des années. Pendant ce temps, les Etats que les Allemands appellent avec condescendance « le club Med » à cause de leur ensoleillement, voient leur dette grimper mois après mois. Bien plus : pour la première fois en 2014, l’Allemagne aura un budget en équilibre, ce qui lui rend d’autant plus facile de réclamer de ses partenaires le respect du plafond de 3% de déficit budgétaire.

Les pays déficitaires considèrent, non sans quelque raison, que l’Allemagne devrait faire un effort pour relancer la consommation intérieure afin d’augmenter ses importations et donc faciliter leurs propres exportations. Jusqu’à maintenant le gouvernement de Berlin s’y était refusé. L’argument du ministre des finances, Wolfgang Schäuble, pourtant un des dirigeants allemands les plus « européens », était que l’Allemagne ne pouvait avoir des finances publiques saines que grâce à la politique inaugurée par Gerhard Schröder en 2002.

Petit à petit, la politique allemande est en train de changer. Le mérite en revient à la grande coalition qui s’est installée au pouvoir à la suite des élections de septembre 2013, et en particulier aux sociaux-démocrates. Ceux-ci ont réussi à introduire dans le programme du gouvernement un certain nombre de mesures qui vont relancer la consommation des ménages et les investissements publics, donc la demande intérieure. Un salaire minimum national a été décidé à partir de 2015 et s’il souffre quelques exceptions il n’en est pas moins une innovation dans un pays où les négociations salariales étaient la chasse gardée des partenaires sociaux, syndicats et patronat. La retraite a été abaissée de 67 à 63 ans pour les salariés ayant cotisé 45 ans. Les pensions aussi vont être réévaluées.

De plus, des augmentations de salaires ont été conclues dans plusieurs branches industrielles. Ainsi que dans la fonction publique, à la suite de grèves d’avertissement dans les transports et les services communaux. Ce qui contredit l’idée fausse que les Allemands ne font pas grève. Mais contrairement aux syndicats français, ils préfèrent les mouvements ciblés aux journées rituelles de mobilisation. Les premières sont beaucoup plus suivies et beaucoup plus efficaces, en lien, il est vrai, avec un taux de syndicalisation très supérieur bien qu’en baisse. Les salariés de la fonction publique viennent d’obtenir 3% de hausse de salaires pour cette année et 2,4% pour 2015. Il est peu probable que Manuel Valls puisse en promettre autant aux fonctionnaires français.