Relance de l’Europe : une nécessité

Les mois qui viennent seront décisifs pour l’Union européenne. Ils apporteront une réponse à la question-clé que se posent les Européens depuis le début de la crise : veulent-ils rester unis et renforcer leur gouvernance commune face aux pressions des marchés et aux défis de la mondialisation ? Ou préfèrent-ils en revenir au « chacun pour soi » en acceptant l’affaiblissement, voire la dissolution, du projet communautaire, le retour des nationalismes, le recul de la solidarité européenne ?

Ils ont, en principe, choisi la première voie, il y a un mois, en se mettant d’accord sur un projet de traité, adopté par tous sauf la Grande-Bretagne, qui vise à accentuer la dimension fédérale de la construction européenne. Mais rien n’est joué. Le traité n’existe que sur le papier. Il lui reste encore plusieurs étapes à franchir. Les prochains mois seront cruciaux. Ils indiqueront si ces belles résolutions sont destinées à demeurer des voeux pieux ou si elles sont appelées à entrer vraiment en application.

Les Européens ont tellement tergiversé au cours des dernières années, tellement étalé leurs divisions et leurs incertitudes, tellement donné la priorité aux discours sur les actes que le doute est aujourd’hui permis sur la sincérité de leurs engagements. C’est ce doute qu’ils doivent lever au plus vite. Il est vrai qu’on a trop souvent annoncé des décisions de la dernière chance pour que cette dramatisation soit prise tout à fait au sérieux. Cette fois-ci pourtant la menace est plus grave qu’elle ne l’a jamais été dans une Europe qui a perdu confiance en elle-même.

Le futur traité, baptisé par le couple franco-allemand « projet d’accord international sur une union économique renforcée », comporte deux grands volets, l’un qui durcit la discipline budgétaire à laquelle les Etats acceptent de se soumettre, l’autre qui accroît entre eux la convergence économique.

Le premier de ces deux volets est précis : il prévoit notamment l’introduction dans la Constitution de chaque pays d’une « règle d’or », qui impose l’équilibre des budgets publics, et la quasi-automaticité des sanctions en cas de déficit excessif. Le second est plus flou : il appelle àune « coopération renforcée » entre les Etats membres sur les questions qui « sont essentielles au bon fonctionnement de la zone euro » et demande que « toutes les grandes réformes de politique économique » soient « débattues et coordonnées » entre eux.

Chacun de ces deux volets ne va pas sans l’autre. Contrepartie de l’entraide entre les Etats membres face à la crise de l’endettement, l’austérité n’est acceptable que si elle s’accompagne de politiques européennes en faveur de la croissance. Les attendus du projet de traité soulignent cette exigence, que le dernier Conseil européen avait également mis en avant en se disant « favorable au principe d’un programme à mettre en oeuvre d’urgence », sur la base de propositions présentées par la Commission.

Au moment où le Danemark, dirigé depuis quatre mois par un premier ministre social-démocrate, prend la présidence tournante de l’Union, il n’est pas inutile de rappeler que c’est au Sommet de Copenhague, en 1993, que Jacques Delors, soutenu par Poul Nyrup Rasmussen, alors premier ministre danois, aujourd’hui président du Parti socialiste européen, a présenté un ambitieux plan de relance, qui incluait notamment un vaste programme d’infrastructures transeuropéennes. Approuvées du bout des lèvres, ces propositions n’ont jamais été appliquées. 

Près de vingt ans plus tard, même si les conditions ne sont plus les mêmes, on attend des Européens qu’ils retrouvent l’esprit du plan Delors. La réindustrialisation de l’Europe, dont chacun reconnaît aujourd’hui la nécessité, appelle un effort collectif, qui redonnera aux politiques communes le souffle dont elles sont privées.