Renégocier le Brexit ?

Six votes, six défaites. Sous ce titre brutal, le quotidien britannique The Guardian a dressé un premier bilan, largement négatif, du mandat de Boris Johnson à la tête du gouvernement. Le premier ministre, plusieurs fois désavoué par la Chambre des communes, s’est montré incapable de sortir le Brexit de l’impasse. Malgré ses rodomontades, ses manœuvres d’intimidation, ses démonstrations d’autoritarisme, il n’a pas fait mieux que Theresa May, qui l’a précédé au 10 Downing Street. Comme elle, il a échoué face à la résistance acharnée des députés et aux profondes divisions du Parti conservateur. Des trois solutions qu’il a envisagées pour mettre fin à la crise, aucune ne lui a permis de franchir l’obstacle.

Une sortie sans accord après le 31 octobre ? Les parlementaires ont écarté cette voie en refusant le « no deal » obstinément défendu par Boris Johnson. Un accord avec l’Union européenne ? Le premier ministre ne veut pas de celui que Theresa May a conclu avec Bruxelles en novembre 2018 et que les députés ont eux-mêmes rejeté mais jusqu’ici il n’a formulé aucune proposition susceptible de relancer la discussion avec les négociateurs européens, qui campent fermement sur leurs positions. Des élections anticipées qui permettraient de dégager une nouvelle majorité dans un sens ou dans l’autre ? Pour le moment, l’opposition, dont l’assentiment est nécessaire pour dissoudre la Chambre des communes, s’y refuse.

Au moment où le Parlement suspend ses travaux pour cinq semaines, la confusion est à son comble. Boris Johnson laisse planer beaucoup d’incertitudes sur sa conduite à venir. On ne sait même pas s’il consentira à solliciter de l’UE un nouveau délai, au-delà du 31 octobre, comme les députés l’exigent faute d’accord avant cette date. S’il choisissait d’ignorer le vote du Parlement, il se mettrait dans une position difficile, y compris sur le plan juridique. Aussi a-t-on du mal à croire qu’il soit prêt à bafouer ouvertement la volonté de la représentation nationale. A moins qu’il ne remette sa démission pour échapper à l’obligation de demander un nouveau report.

Les foucades auxquelles Boris Johnson a habitué les Britanniques entretiennent toutes ces spéculations. Toujours est-il que la suite des événements reste imprévisible. Quelle pourrait être l’issue la plus raisonnable après ces semaines de fortes turbulences et de violentes passions ? Deux pistes pourraient être privilégiées pour favoriser le retour au calme. La première fois est celle d’élections anticipées qui redonneraient la parole au peuple, la seconde celle d’un nouvel accord de divorce renégocié entre Londres et Bruxelles.

Redonner la parole au peuple paraît la voie la plus démocratique pour tenter de dénouer l’embrouillamini politique. Boris Johnson a raison sur ce point : pour départager les champions d’un Brexit dur, les partisans d’un Brexit modéré et les adversaires du Brexit, il est logique de demander leur avis aux électeurs puisque leurs élus ne parviennent pas à s’entendre. Si l’opposition, à commencer par les travaillistes, a voté contre une dissolution de la Chambre des communes, c’est parce qu’elle craignait que le premier ministre ne fixât la date des élections après le 31 octobre, c’est-à-dire une fois le Royaume-Uni sorti, sans accord, de l’UE. Mais elle est prête à s’y rallier dans l’hypothèse d’un nouveau report de l’échéance.

La seconde condition est que le gouvernement profite de ce délai pour rechercher un nouvel accord avec Bruxelles sur les modalités de la séparation et notamment sur la question de la frontière entre les deux Irlande, qui est au cœur du conflit. L’inflexibilité des négociateurs européens aussi bien que l’intransigeance du premier ministre britannique rendent difficile la réouverture du dialogue, mais des propositions de compromis existent, qui pourraient être étudiées. Si un nouvel accord était trouvé entre Londres et l’UE, au prix de concessions mutuelles, sur la voie de sortie, les électeurs seraient alors appelés, en revenant aux urnes, à donner leur avis.