Repentance présidentielle

Le 6 mai 2007, Nicolas Sarkozy était élu avec 53 % des suffrages ; un an plus tard seulement un électeur sur trois lui faisait encore confiance. Son intervention télévisée du jeudi 24 avril 2008 visait à retrouver le chemin de la confiance avec les Français. La prestation de Nicolas Sarkozy pouvait se résumer en trois mots - repentance, rigueur, réformes. Mais l’exercice, solennel et compassé, ne convainc pas encore. 

Repentance

C’était l’enjeu essentiel de cette émission pour le chef de l’Etat : démontrer qu’il avait changé ! Cette opération de communication est réussie. Hier soir, le candidat Sarkozy a enfin laissé la place au président Sarkozy. A neuf reprises le chef de l’Etat a fait son mea culpa. Il a reconnu ses erreurs passées, absence de pédagogie, trop grande tolérance à l’endroit des dérapages ministériels, maladroite présentation du paquet fiscal ou faux pas de carte famille nombreuses. Nicolas Sarkozy s’est surtout attaché à se détacher de son agitation coutumière au profit d’une posture réfléchie et néanmoins ferme. Le passé du candidat clinquant est soldé. L’ère d’un président plus sobre a commencé.

Rigueur

C’était la question à laquelle une opinion préoccupée par le problème du pouvoir d’achat attendait une réponse claire. Sur ce sujet, le président n’a pas su ou n’a pas voulu répondre. Il a godillé et tergiversé. D’un côté il a évoqué la quadruple crise internationale (subprimes, euro, pétrole, matières premières) pour justifier son impuissance à améliorer dès maintenant le quotidien, de l’autre il a néanmoins prétendu apporter quelques compensations avec une éventuelle baisse des prix dans les grandes surfaces et un hypothétique intéressement dans les PME. Mais il a refusé de dire la vérité sur la situation réelle du pays, la dette abyssale, les déficits colossaux et les comptes sociaux alarmants. Il n’a jamais voulu avouer que les choses étant ce qu’elles sont, c’est bien la rigueur qui est de rigueur pour le gouvernement.

Réformes

C’est ce qui fera date si les paroles se traduisent en action. Nicolas Sarkozy non seulement ne renonce pas à poursuivre les 55 réformes annoncées ou déjà ébauchées en raison de la crise internationale mais au contraire estime qu’il convient d’en accélérer la mise en œuvre. Le chef de l’Etat persiste à les vouloir toutes mener de front. Ce qui risque d’en compromettre la visibilité. Il se donne la fin de son mandat comme horizon. Ce qui est une manière d’annoncer aux Français qu’ils n’en découvriront les fruits que dans quatre ans. Ce qui veut dire aussi que ce volontarisme présidentiel a toute chance d’être synonyme d’impopularité. 

A ces trois mots, on peut en ajouter un quatrième pour qualifier la forme de l’entretien :

Rétro

La réalisation de l’émission était parfaite. La lumière remarquable. Le décor impressionnant. Les animateurs et les interviewers honnêtes. Le public remarquablement sage. Bref au « théâtre ce soir », la représentation était réussie. Mais ce genre de mise en scène coûteuse, solennelle et compassée n’appartient-il pas à un autre temps ? Dans ce registre aussi, la modernisation ne serait-elle pas opportune ? Quand le président, plutôt que réclamer le sur-mesure et de négocier avec les directions des chaînes le choix de ses interviewers, comme ce fut le cas jeudi, viendra-t-il, comme tout autre homme politique, répondre simplement aux questions des journalistes sur les plateaux de télévision ? Quand le chef de l’Etat, à la manière du président américain, se soumettra-t-il régulièrement à l’exercice de la conférence de presse plutôt que de prononcer, comme il l’a fait en janvier dernier, un interminable discours suivi de quelques questions ?