Depuis 1962, la CSU détenait, scrutin après scrutin, la majorité absolue des sièges au parlement régional de l’Etat libre de Bavière, qui revendique haut et fort son particularisme au sein de l’Allemagne. Elle avait obtenu à plusieurs reprises la majorité absolue des voix et avait même atteint un score de 60% en 2004 ! La sœur bavaroise de l’Union chrétienne démocrate (CDU) d’Angela Merkel régnait donc en maître sur son Land (et par la même occasion apportait un contingent non négligeable d’électeurs à la démocratie chrétienne au niveau fédéral).
Cette hégémonie appartient au passé. La CSU, qui a tout de même recueilli 43% des voix, devra partager le pouvoir au sein d’une coalition (vraisemblablement avec les libéraux). C’est fin de règne d’un seul parti que le journal de Munich salue comme une "révolution démocratique".
La défaite de la CSU tient à des causes à la fois triviales et structurelles. L’usure du pouvoir s’est manifesté à l’automne 2007 quand une obscure conseillère municipale a osé s’en prendre ouvertement au ministre-président, Edmund Stoiber, au pouvoir depuis pendant quatorze ans. Ce Landesvater avait succédé dans la mythologie locale au célèbre Franz-Josef Strauss, surnommé « le taureau de Bavière », qui dans les années 1970 causa bien des misères à Helmut Kohl. La mise en cause de Stoiber, accusé d’abus de pouvoir, donna le signal d’une révolte dans la CSU. Incapables de s’entendre sur le nom d’une successeur, les caciques du parti optèrent pour un duumvirat, un chef du parti, Erwin Huber, et un chef de gouvernement, Günther Beckstein. Aucun des deux ne réussit à s’imposer et à redonner un élan à la CSU
Les causes profondes tiennent au changement de la structure économique et sociale de la Bavière. Grâce à la politique de la CSU – et c’est un paradoxe pour un parti qui cultive par ailleurs les valeurs catholiques les plus conservatrices – la Bavière est devenue le Land le plus dynamique d’Allemagne, avec un taux de croissance de 2,9% en 2007 et un taux de chômage de 3,9%, donc une situation proche du plein emploi. Cette région, jadis agricole, est maintenant un havre pour les nouvelles technologies qui attire des couches nouvelles. Ces nouveaux venus, souvent des jeunes, se reconnaissent de moins en moins dans le folklore bavarois qui faisait le succès de la CSU. L’identité bavaroise reste certes une composante essentielle du Land mais elle ne se limite plus à la culotte de peau et au "dirndl", l’habit féminin traditionnel.
Si l’on ajoute des maladresses du gouvernement, par exemple dans la décision d’imposer l’interdiction de fumer dans les lieux publics, des projets d’investissements abandonnés, comme le train à sustentation magnétique qui devait relier l’aéroport de Munich à la ville, plus les soupçons de concussion à la Bayerische Landesbank, véritable petite banque centrale de Bavière, on comprend que les électeurs aient opté en faveur d’un grand courant d’air frais.