Rigueur ou croissance ?

Au lendemain de l’accord conclu à Bruxelles sur un nouveau traité européen, le rôle de l’Union pour aider les Etats à sortir de la crise est en France l’un des enjeux de la compétition présidentielle.

La bataille sur l’Europe de demain est engagée entre Nicolas Sarkozy et François Hollande à quelques mois de l’élection présidentielle. Les deux hommes diffèrent en effet sur le rôle qu’ils assignent à l’UE pour relancer la croissance.

D’un côté, vingt-cinq des vingt-sept Etats membres, dont la France, viennent d’adopter un « traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance » au sein de l’Union économique et monétaire. Deux pays – la Grande-Bretagne et la République tchèque – ont refusé de s’y associer. Le texte devrait être signé en mars avant d’être soumis à la ratification des Etats. Celle-ci suppose en France une révision de la Constitution pour y inclure la nouvelle « règle d’or » sur l’équilibre budgétaire. Elle ne pourra pas avoir lieu avant l’élection présidentielle.

De l’autre côté, François Hollande, dans son discours du Bourget le 22 janvier, a proposé un « pacte de responsabilité, de gouvernance et de croissance », qu’il présentera, s’il est élu président de la République, aux partenaires de la France. « Je renégocierai le traité européen, a-t-il dit, pour lui apporter la dimension qui lui manque ». Cette dimension, comme l’indique l’intitulé du pacte, est avant tout celle de la croissance. Le candidat socialiste a parlé notamment de la coordination des projets industriels, de la relance des grands travaux dans le domaine de l’énergie et des instruments pour dominer la spéculation.

Austérité ou relance ?

Les dix-sept Etats de la zone euro se sont félicités, après l’accord, d’une « avancée majeure » vers une « intégration budgétaire et économique plus étroite et irrévocable » et une « gouvernance plus forte au sein de la zone euro ». François Hollande avait déclaré, pour sa part, au Bourget : « Nous avons besoin d’Europe. Elle doit nous aider à sortir de la crise, mais pas à nous imposer une austérité sans fin ». Les termes du débat sont ainsi posés d’une manière polémique, pour ne pas dire caricaturale : l’austérité contre la relance.

Les chefs d’Etat et de gouvernement réunis le 30 janvier à Bruxelles reconnaissent que le réduction des déficits et de l’endettement, objet principal du nouveau traité, n’est qu’une réponse partielle à la crise. « Des décisions ont été prises pour assurer la stabilité financière et l’assainissement budgétaire », soulignent-ils, en affirmant qu’il s’agit d’une « condition nécessaire » pour renouer avec une croissance structurelle plus forte et un taux d’emploi plus élevé. Cependant, ajoutent-ils, cette condition « n’est pas suffisante en soi ». Il est indispensable de moderniser les économies européennes et de renforcer leur compétitivité pour garantir une croissance durable.

La divergence avec François Hollande porte donc sur la méthode. Les dirigeants européens proposent, parallèlement au nouveau traité, des actions dans trois domaines-clés : l’emploi des jeunes, l’achèvement du marché intérieur, l’aide aux PME. Mais ils assignent à l’Europe un rôle plutôt modeste, considérant que les mesures à prendre relèvent, pour l’essentiel, de la compétence des Etats membres. « Chaque fois que cela est possible, les efforts accomplis au niveau national seront soutenus par l’action de l’UE », précisent-ils.

Quelle renégociation ?

François Hollande pourra-t-il obtenir, s’il est élu, une modification du traité, comme il s’y est engagé ? « La France doit retrouver l’ambition de changer l’orientation de l’Europe », a-t-il lancé au Bourget. Il lui faudra compter avec la volonté de ses partenaires, dont il affirme qu’il saura, le moment venu, les « convaincre » et les « entraîner ». La droite n’a pas tort de lui objecter qu’il ne lui suffira pas de réserver à Mme Merkel sa première visite hors de France pour l’amener à changer d’avis.

La gauche, majoritaire au Sénat, peut, il est vrai, bloquer la ratification du traité en s’opposant à la révision de la Constitution. Mais François Hollande, il faut le noter, assure qu’il respectera les « disciplines » prévues. Il juge seulement qu’elles appellent un complément pour favoriser la reprise de la croissance. La renégociation annoncée pourrait donc signifier que la gauche n’entend pas revenir sur le traité mais qu’elle veut y ajouter, sous la forme d’un « pacte » additionnel, les dispositions dont il regrette l’absence. Le candidat socialiste est assez familier des subtilités de langage pour que cette hypothèse ne soit pas à écarter.