Russie-Etats-Unis : grandes manoeuvres en vue

Le président russe Dmitri Medvedev a laissé entrevoir, le 17 mars à Moscou, un « réarmement sur une vaste échelle » de la Russie, pour 2011, en réponse aux « nouvelles menaces » pesant sur le pays. Venant quelques semaines avant sa première rencontre avec Barack Obama, cette déclaration peut surprendre. En fait, le principal objectif de Moscou n’est pas tant de renforcer son armée que d’avoir son mot à dire sur toutes les questions de sécurité en Europe.

Les grandes manœuvres ont-elles commencé entre Washington et Moscou ? C’est la question qui s’impose après les annonces contradictoires de ces derniers jours. En effet, la nouvelle administration américaine veut, selon son expression, « remettre les compteurs à zéro » (reset) dans ses relations avec la Russie, après les frictions qui ont marqué les dernières années de la présidence Bush. Dans le vaste réexamen de la politique étrangère entrepris par le nouveau président, la Russie a une place de choix. Barack Obama a récemment écrit à son collègue russe pour lui proposer une coopération dans l’affaire du nucléaire iranien, en contrepartie de quoi les Etats-Unis pourraient revoir leur programme d’implantation d’un système de défense antimissiles en Pologne et en République tchèque.

Ce programme, comme les projets d’extension de l’OTAN vers l’Ukraine et la Géorgie, a contribué à détériorer les relations américano-russes. Dmitri Medvedev avait choisi le lendemain de l’élection de Barack Obama (le 5 novembre) pour annoncer des mesures de représailles : l’installation à Kaliningrad de fusées à courte portée capables d’atteindre la Pologne et les pays baltes. Plus tard, un officiel russe avait précisé que cette menace ne serait mise à exécution que si les Etats-Unis allaient de l’avant avec le système antimissiles.

L’administration Obama parait convaincue que nombre de problèmes ou conflits internationaux ne peuvent être résolus qu’avec la coopération de la Russie, que ce soit la guerre en Afghanistan (les Occidentaux ont besoin d’avoir l’accord des Russes pour faire transiter les équipements), la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, la réduction des arsenaux nucléaires stratégiques, le contrôle des armements classiques en Europe, etc.

Face à ces offres de coopération, il est de bonne tactique que Moscou fasse monter les enchères. C’est sans doute le sens des déclarations du président Medvedev. Car le gouvernement russe se trouve dans une situation contradictoire. D’un côté, il doit réformer une armée dont les modes de fonctionnement sont hérités de l’époque soviétique, dont les équipements sont souvent obsolètes et qui est trop nombreuse. Pour cela, elle a besoin d’argent et il n’est pas surprenant que les autorités veuillent augmenter le budget militaire. D’un autre côté, les ressources nécessaires se font plus rares avec la baisse des prix du pétrole et du gaz, et la crise économique mondiale qui frappe aussi le pays. S’il est difficile de connaître avec exactitude le montant des dépenses militaires russes, étant donné l’habitude de secret qui continue de régner, les experts l’estiment à un peu plus de 1300 milliards de roubles – 38 milliards d’euros.

Le ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a répété au Forum de Bruxelles organisé par le German Marshall Fund (du 20 au 22 mars 2009), que la Russie était prête à discuter d’une nouvelle architecture de sécurité en Europe, tout en accusant l’OTAN de menacer la Russie en s’approchant de ses frontières. La proposition n’est pas nouvelle. Elle a été faite par le président Medvedev au printemps de l’année dernière lors de son voyage à Berlin. C’est une vieille idée de la diplomatie soviéto-russe. Le principal objectif de Moscou est d’avoir son mot à dire, voire un droit de veto, sur toutes les questions de sécurité en Europe. En annonçant un vaste programme de réarmement, le Kremlin signifie qu’il n’entend pas négocier en position de faiblesse, même si ce programme n’est jamais mené à bien.